5 juin 2016 Evangile du dimanche 5 juin 2016 - Commentaires de Marie Noëlle Thabut EVANGILE – selon Saint Luc 7, 11 – 17En ce temps-là, Jésus se rendit dans une ville appelée Naïm. Ses disciples faisaient route avec lui, ainsi qu’une grande foule. Il arriva près de la porte de la ville au moment où l’on emportait un mort pour l’enterrer ; c’était un fils unique, et sa mère était veuve. Une foule importante de la ville accompagnait cette femme. Voyant celle-ci, le Seigneur fut saisi de compassion pour elle et lui dit : « Ne pleure pas. » Il s’approcha et toucha le cercueil ; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. » Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. » Et cette parole sur Jésus se répandit dans la Judée entière et dans toute la région. *************************************************************************************************** Commentaires Naïm1 est un village de Galilée, à huit kilomètres de Nazareth ; Shounem, où le prophète Elisée, lui aussi, avait ressuscité un enfant, n’est pas bien loin (sur l’autre versant de la même colline, 2 R 4, 8). Luc s’en souvient certainement ; mais en racontant le miracle accompli par Jésus à Naïm, Luc, il a plutôt voulu suggérer, semble-t-il, un rapprochement avec la résurrection accomplie par Elie en faveur du fils de la veuve de Sarepta (bien loin d’ici, pour le coup, dans le pays de Tyr et de Sidon ; voir supra, notre première lecture) ; visiblement, il a volontairement choisi son vocabulaire et l’articulation de son récit dans ce but : le mort est le fils unique d’une veuve, le miracle se déroule à la porte de la ville, le ressuscité est « rendu à sa mère », l’auteur du miracle est acclamé comme prophète. On sait que la figure d’Elie compte beaucoup pour Luc ; à de multiples reprises au long de son évangile, il propose le parallèle avec Jésus. En même temps, Luc veut nous faire comprendre qu’une étape décisive est franchie avec Jésus-Christ : s’il agit bien dans la ligne des grands prophètes de l’Ancien Testament, en particulier Elie et Elisée, il les dépasse infiniment ; sa mission est en effet décrite dans des termes sans équivoque dans le passage qui suit juste celui-ci : quand Jean-Baptiste, emprisonné par Hérode (Lc 3, 19), envoie des disciples à Jésus pour lui poser la question de confiance : « Es-tu ‘Celui qui vient’ (sous-entendu le Messie) ou devons-nous en attendre un autre ? » (Lc 7, 19), Jésus répond : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » (Lc 7, 22). C’était exactement dans ces termes-là qu’on parlait habituellement du salut qu’apporterait le Messie. Faisant suite à la guérison de l’esclave du centurion (Luc 7, 1-10), la résurrection du fils de la veuve de Naïm est donc bien la preuve que les temps messianiques ont commencé et que Jésus est bien « Celui qui vient ». D’ailleurs, Luc lui donne ici le titre de « Seigneur », celui que les premiers Chrétiens décernaient à Jésus-Christ depuis sa résurrection : « En la voyant (la mère du jeune homme), le Seigneur fut saisi de pitié pour elle ». (N’oublions pas que c’est également le nom même de Dieu dans la traduction grecque de l’Ancien Testament, la Septante). Et ce court récit donne en quelques lignes le double témoignage de la puissance et de la tendresse de Dieu : le « Seigneur », c’est le maître de la vie, c’est aussi le Dieu de tendresse et de pitié, si souvent révélé dans l’Ancien Testament. Pour dire l’émotion de Jésus, Luc a choisi un mot très fort qui signifie « remué jusqu’aux entrailles ». On ne s’en étonne pas quand on sait la tendresse toute particulière de Dieu pour les veuves et pour tous ceux qui pleurent : « Les larmes de la veuve ne coulent-elles pas sur les joues de Dieu ? », comme dit Ben Sirac (Si 35, 18). Les assistants ne s’y sont pas trompés : ils sont saisis de cette crainte qu’inspire la Présence de Dieu : « La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu. » Ils disaient : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. » Encore un mot cher à Luc, la « visite » de Dieu : c’est le cri de Zacharie, par exemple, après la naissance de Jean-Baptiste : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il a visité son peuple, accompli sa libération, et nous a suscité une force de salut dans la famille de David, son serviteur… C’est l’effet de la bonté profonde de notre Dieu : grâce à elle nous a visités l’astre levant venu d’en haut. Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l’ombre de la mort. » (Lc 1, 68. 78-79). Luc reprend là un thème fréquent dans l’Ancien Testament où ce mot de « visiter » qualifie toujours une intervention salvatrice de Dieu ; Judith par exemple annonce à ses compatriotes : « Le Seigneur visitera (sauvera) Israël par mon entremise. » (Jdt 8, 33) ; et le prophète Zacharie annonçait : « Le SEIGNEUR, le tout-puissant, visitera son troupeau – la maison de Juda. » (Za 10, 3). Pour bien préciser que cette annonce du prophète est ici accomplie par Jésus, Luc dit : « Cette parole se répandit dans toute la Judée et dans toute la région. » Nous qui avons la chance d’être deux mille ans plus tard, nous savons une chose : par la Résurrection de Jésus lui-même, le SEIGNEUR, le tout-puissant, a visité non seulement son troupeau, la maison de Juda, mais l’humanité tout entière. Et c’est Luc justement qui nous rapporte le chant de Syméon : « Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour la révélation aux païens et gloire d’Israël ton peuple. » (Lc 2, 30). ————————-- Note 1 – La tradition latine l’appelle Naïm, mais dans la plupart des manuscrits on lit « Naïn ».
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