Evangile du dimanche 30 janvier 2022. Commentaires de Marie-Noëlle Thabut30 janvier 2022
Evangile du dimanche 30 janvier 2022. Commentaires de Marie-Noëlle Thabut Eglise Catholique.fr | Publié le 24 janvier 2022 Evangile selon Saint Luc 4, 21-30 En ce temps-là, dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d’Isaïe, Jésus déclara : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture, que vous venez d’entendre. » Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : Médecin, guéris-toi toi-même, et me dire : Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton lieu d’origine ! » Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis,aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Elie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant, Elie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Elisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’entre eux n’a été purifié, mais bien Naaman, le Syrien. » A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin. Commentaires NUL N’EST PROPHETE EN SON PAYS « Nul n’est prophète en son pays » : apparemment, ce dicton n’est pas d’aujourd’hui, puisque Jésus en cite un tout à fait équivalent : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays », au moment où il est justement dans son propre pays, Nazareth, où il a grandi. Si on y réfléchit, tout est étrange dans ce texte : d’abord, pourquoi, alors qu’il vient d’arriver dans son village natal, après une tournée triomphale dans les villages de la région, pourquoi Jésus met-il le sujet sur Capharnaüm ? Si l’on peut parler de « tournée triomphale », c’est parce que dans le début de cet évangile que nous avons lu dimanche dernier, Luc disait : « Lorsque Jésus, avec la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge. » Luc ne dit rien de plus précis jusqu’à présent, mais Jésus doit avoir eu vent d’une certaine jalousie dans le coeur de ses compatriotes de Nazareth ; d’après sa phrase « nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm », nous devinons qu’il y a déjà eu des miracles à Capharnaüm. Et les habitants de Nazareth attendent bien d’en voir autant. Ensuite, deuxième étrangeté de ce passage, pourquoi ce retournement de situation ? Jésus vient de faire la lecture du texte d’Isaïe, il a tranquillement affirmé : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre », ce qui revient à affirmer « Je suis le Messie que vous attendez » et pour l’instant cela n’a soulevé aucun tollé. Luc nous dit simplement : « Tous lui rendaient témoignage ; et ils s’étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche. Ils se demandaient : N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Et il suffira de quelques paroles de Jésus pour les rendre furieux, au point qu’ils voudront se débarrasser de lui, une bonne fois pour toutes. On peut donc se demander ce que Jésus a dit de si extraordinaire et pourquoi il a jugé bon de le dire. En fait, il leur a asséné une leçon qui est dure à entendre ; elle tient en deux points : premièrement, si j’ai pu faire des miracles à Capharnaüm, c’est parce que ses habitants avaient une autre attitude. La fin de l’histoire prouve bien que Jésus n’a vu que trop juste : la violence de la réaction de ses compatriotes laisse entendre qu’ils n’étaient pas prêts à accueillir les dons de Dieu comme des dons. IL EST VENU CHEZ LUI ET LES SIENS NE L’ONT PAS REÇU Le deuxième point revient à dire « le salut n’est pas réservé aux fils d’Israël. Dieu s’intéresse aussi aux païens et ceux-ci sont parfois plus près du salut que ceux qui se disent croyants » : c’est ce qui se dégage des deux histoires d’Elie et Elisée. On trouve l’histoire d’Elie au premier Livre des Rois (1 R 17) : elle met en scène une veuve de la ville de Sarepta, en plein pays païen, la Phénicie ; Elie lui demande l’hospitalité, en période de sécheresse, et, malgré sa pauvreté, elle vient en aide au prophète étranger, dans lequel elle reconnaît un homme de Dieu. Cela a suffi pour qu’Elie accomplisse pour elle deux miracles ; d’abord il la sauve de la famine : on se souvient de la fameuse promesse d’Elie « jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre ». Quant au deuxième miracle, c’est la guérison de son fils unique. Cette païenne a su se montrer accueillante à ce prophète étranger au moment même où il était un paria et un exclu dans son propre pays. Bien lui en a pris ! L’histoire d’Elisée, elle, se trouve au Deuxième Livre des Rois (2 R 5) : Naaman est un général syrien ; par malheur il est atteint de la lèpre ; il a eu vent des talents de guérisseur du prophète Elisée et se rend chez lui en grande tenue, bardé de cadeaux et de recommandations. Mais Elisée le décevra un peu ; c’est seulement quand il aura accepté de se plier humblement aux ordres du prophète que Naaman sera guéri : « Va ! Lave-toi sept fois dans le Jourdain. » Il se soumet donc et il descend jusqu’au Jourdain : geste très simple qui lui paraît dérisoire, à lui, général, favori du roi de Damas… mais geste symbolique d’humilité et de soumission au prophète du Dieu d’Israël. On connaît la suite : il est guéri et bien sûr il se convertit au Dieu d’Israël. Une païenne (la veuve de Sarepta), un général ennemi, païen, lépreux (Naaman) : aucun des deux ne peut prétendre avoir des droits sur le Dieu d’Israël… et ce sont ces pauvres qui ont été comblés ; Jésus n’ajoute pas, mais tout le monde comprend : « A bon entendeur salut ». En quelques lignes, nous avons ici un raccourci de la vie de Jésus : « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu » dira Saint Jean ; Luc le dit ici à sa manière en opposant l’attitude de Nazareth, sa ville natale, et celle de Capharnaüm (où il était au départ un inconnu) ; et cette opposition en préfigure une autre : l’opposition entre l’attitude de refus des Juifs (pourtant les destinataires du message des prophètes) et l’accueil de la Bonne Nouvelle par des païens ; comme la veuve de Sarepta, comme le général syrien Naaman, ce sont les non-Juifs qui feront le meilleur accueil au Messie. Mais la victoire définitive du Christ est déjà annoncée, symbolisée par sa maîtrise sur les événements : « Lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin. » —————– Complément Jésus vient de faire à ses compatriotes une confidence : la confidence suprême, celle de sa mission. Sans doute a-t-il pensé que ceux qui l’avaient vu grandir, ses copains d’enfance, étaient les mieux placés pour accueillir son secret, pour lui faire confiance. Quelle a dû être sa déception de se heurter à leur incompréhension, leur méfiance. C’est peut-être à la suite de cette expérience qu’il a désormais jalousement gardé son secret. Plus jamais il ne dira qu’il est le Messie. Ce n’est que bien plus tard qu’il acceptera la déclaration de Pierre à Césarée de Philippe.
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