1er juin 2015
Qu'est-ce que l'immunothérapie, "l'avenir de la lutte contre le cancer"? L'Express.fr | Publié le 1er juin 2015 à 15:57 Soigner le cancer en renforçant "simplement" son système immunitaire? Une avancée plutôt encourageante dans le monde de la recherche médicale. L'immunothérapie se présente aujourd'hui comme un des moyens les plus efficaces pour lutter contre la maladie. Les 40 000 médecins, chercheurs et laboratoires ont présenté le week-end dernier à l'American Society of Clinical Oncology (ASCO) pas moins de 4 883 études, dont un certain nombre sur le sujet. Ces nouveautés qui devraient permettre d'élargir les domaines de traitement. Pour Delphine Loirat, médecin oncologue et chercheur en immunologie à l'Institut Marie Curie, l'immunothérapie est tout simplement "l'avenir de la lutte contre le cancer." Les lymphocytes T au coeur du système - Comment ça marche? Notre moelle osseuse produit des cellules, les lymphocytes T, qui assurent en détectant et éliminant les attaques extérieures (microbes, virus, bactérie) et les cellules tumorales à notre organisme. Or, les cellules cancéreuses envoient des signaux qui désactivent les lymphocytes T. Ces derniers ne sont alors plus en mesure d'identifier les attaques ni de les détruire. L'immunothérapie consiste donc à stimuler les défenses naturelles de l'organisme pour qu'elles luttent contre les cellules tumorales. Trois types de traitements A l'heure actuelle, il existe plusieurs types d'immunothérapies qui se présentent sous la forme d'un vaccin. Depuis une vingtaine d'années, l'immunothérapie dite "active" est basée sur le principe de la vaccination anticancer. Elle stimule les défenses immunitaires du patient pour prévenir les récidives ou pour traiter les cancers métastatiques (cancer disséminé au niveau de plusieurs organes). L'immunothérapie "adoptive" consiste quant à elle à réinjecter au patient directement des cellules "éduquées" qui agissent contre les cellules cancéreuses. Les récentes découvertes ont permis la création d'une troisième famille de traitement. Il envoie dans l'organisme des molécules empêchant les cellules cancéreuses de désactiver les lymphocytes T, en bloquant les immunomodulateurs (CTLA4, PD-1). Ces nouvelles thérapies consistent en des anticorps capables de bloquer les molécules impliquées dans la désactivation des lymphocytes T, appelées "immunomodulateurs" (immune checkpoints) afin de restaurer une réponse immunitaire efficace. Déjà utilisé pour le cancer de la peau et du poumon L'immunothérapie est d'abord destinée à traiter les cancers qui ne peuvent pas passer par le crible d'une intervention chirurgicale. En France, elle est déjà mise en place contre certains cancers de la peau, grâce à un anti-CTLA4 (ipilimumab, YERVOY). Deux nouvelles molécules ciblant PD devraient être autorisées dans l'Hexagone d'ici quelques mois pour traiter des patients atteints de mélanomes, de même que pour combattre le cancer du poumon, comme cela se fait aux Etats-Unis. En attendant leur commercialisation en France, ces traitements sont disponibles pour certains patients, sous couvert d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Les essais cliniques montrent que ces nouvelles thérapies s'appliquent aux cancers agressifs et pour lesquels de nouveaux traitements efficaces sont attendus. De nouveaux territoires Les recherches présentées à l'ASCO de Chicago portent sur le cancer de la vessie et des reins, l'ORL, l'estomac, la plèvre, la prostate et les ovaires. Des études ont également démontré des résultats positifs pour traiter un certain type de cancer du sein, le triple négatif. Le risque de réactions auto-immunesJouer avec l'immunité reste délicat. En relâchant les défenses (check-points) du système immunitaire pour qu'il lâche ses troupes destructrices sur les cellules cancéreuses, le risque d'une réaction auto-immune augmente. Ces nouvelles thérapies peuvent engendrer une attaque contre les tissus sains de l'organisme, en particulier la peau, le tube digestif, la thyroïde, mais aussi le foie et les poumons. "On observe que ces effets secondaires ne concernent qu'un faible pourcentage des patients. Ces traitements restent généralement bien tolérés", remarque Delphine Loirat. Le dosage de molécules à envoyer pour affaiblir est donc toujours à adapter pour atténuer ces effets secondaires. Les premiers essais cliniques de cette nouvelles familles d'immunothérapie ont à peine cinq ans. Si au début l'enjeu était de déceler les éventuels effets toxiques, de déceler des signaux d'efficacité, et de déterminer la bonne dose d'anticorps monoclonaux à envoyer injecter dans l'organisme, le défi actuel est de déterminer l'efficacité de ces nouveaux traitements par rapport aux premiers traitements standards testés. Des médecins enthousiastesLa grande nouveauté de la thérapie réside en sa capacité à "rendre le système immunitaire autonome dans sa lutte contre le cancer", souligne enfin Delphine Loirat. "En effet, on observe aujourd'hui que de plus en plus de patients répondent très longtemps à ce traitement. Même après l'arrêt du traitement, leur organisme continue à contrôler les cellules cancéreuses." Ce qui n'est pas le cas en chimiothérapie, par exemple. "Avant, le but premier de la thérapie consistait à allonger l'espérance de vie du patient. Maintenant, on peut espérer que le cancer se transforme en pathologie chronique, ou mieux, qu'il soit guéri", s'enthousiame-t-elle. Les études en cours cherchent aussi à améliorer l'immunothérapie en associant plusieurs molécules d'immunothérapie ou en les associant avec d'autres thérapies comme la radiothérapie, la chimiothérapie ou les thérapies ciblées dans le but d'améliorer son efficacité. Delphine Loirat y voit aussi un bel espoir d'éviter les rechutes chez les patients à fort risques de récidives après une chirurgie. Le médecin d'investigation clinique en immunothérapie est convaincu que l'immunothérapie est "en plein boom". Cette "nouvelle arme" viendrait en premier lieu comme "complément d'arsenal" aux côtés de la radiothérapie, la chirurgie et la chimiothérapie, avant d'être proposée, à terme, "comme une première phase de traitement." Un traitement très coûteux Dans les décennies à venir, elle voit pourtant d'autres défis se présenter. En effet, comment sélectionner les patients qui pourront bénéficier de l'immunothérapie afin de traiter uniquement les patients qui vont répondre aux immunothérapies? Il n'est en effet pas dit que ce traitement, très coûteux par ailleurs, fonctionne sur tous les malades. De même, comment gérer le traitement sur du long terme? Si l'immunothérapie permet à l'organisme de contrôler les cellules cancéreuses à lui seul, le suivi du patient jusqu'à la destruction totale du cancer risque d'être long. Autant de questions que les chercheurs devront prendre en compte à l'avenir.
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