18 septembre 2014
Cancer du sein : diagnostic et traitement Medscape France | 11 septembre 2014 Historique De nombreux cancers du sein précoces sont asymptomatiques, particulièrement lorsqu’ils sont découverts au cours d’un programme de dépistage. Les tumeurs de gros volume peuvent présenter des masses douloureuses. Douleur ou inconfort ne sont pas des symptômes fréquents du cancer du sein ; seulement 5% des patientes se présentent avec une masse maligne douloureuse. Souvent, le but de l’anamnèse n’est pas diagnostique mais cherche plutôt à évaluer le risque. Une histoire familiale de cancer du sein au premier degré est reconnue comme le facteur de risque le plus important de cancer du sein. Le risque de contracter un cancer du sein au cours de sa vie est 4 fois plus élevé si la mère et les sœurs sont affectées; le risque est en environ 5 fois supérieur chez les femmes avec 2 cas ou plus de cancer du sein au premier degré; et il est aussi plus élevé pour celles n’ayant qu’un seul parent touché au premier degré, surtout si celui-ci a été diagnostiqué avant l’âge de 50 ans. Une histoire familiale de cancer de l’ovaire au premier degré, spécialement si la maladie apparaît avant l’âge de 50 ans, a été associée à un doublement du risque de cancer du sein. Les caractéristiques familiales suggérant une augmentation du risque de cancer du sein sont les suivantes: • Deux parents ou plus atteints d’un cancer du sein ou de l’ovaire. • Cancer du sein apparu chez un parent avant l’âge de 50 ans. • Un même parent atteint d’un cancer du sein et de l’ovaire. • Un ou plusieurs parents porteurs de deux cancers (sein ou ovaire, ou bien deux cancers primitifs du sein). • Parents masculins atteints d’un cancer du sein. • Présence d’une mutation BRCA1 ou BRCA2. • Ataxie télangiectasique hétérozygote (augmentation du risque par quatre). • Origine juive Ashkénaze (augmentation du risque par deux). Les néoplasies augmentant le risque de cancer du sein sont les suivantes: • Antécédent de cancer du sein. • Cancer de l’ovaire. • Cancer de l’endomètre. • Carcinome canalaire in situ (CCIS). • Carcinome lobulaire in situ (CLIS). Les lésions mammaires bénignes augmentant le risque de cancer du sein sont les suivantes: • Hyperplasie (sauf si modérée) • Fibroadénome complexe • Cicatrices d’irradiation • Papillomatose • Lésions d’adénose sclérosantes • Lésions d’adénose microglandulaires Le cancer du col de l’utérus est associé à une diminution du risque de cancer du sein. Recommandations USPSTF (US Preventive Services Task Force) pour le dépistage des cancers ssociés à des mutations des gènes BRCA : (76-77) • Rechercher et identifier les antécédents familiaux qui pourraient être associés à une augmentation du risque de mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2 chez les femmes dont un membre de la famille a été diagnostiqué avec un cancer du sein, des ovaires, des trompes ou du péritoine. • Si les résultats sont positifs, et après consultation génétique, ces femmes devraient se soumettre à un dépistage génétique. • S’il n’existe pas d’antécédents familiaux associés à un risque accru de mutations, il n’est pas nécessaire de procéder à une consultation génétique, ni à de dépistage génétique de routine. Prise en charge et traitement 1) Approche et considérations cliniques La chirurgie est considérée comme le traitement de première intention du cancer du sein, qui représente le seul traitement curable pour les patientes atteintes d’un cancer de stade précoce. Les objectifs de la chirurgie mammaire incluent une résection complète de la tumeur primitive, avec marges négatives afin de réduire le risque de récidives locales, et un examen extemporané de la lésion et des aires ganglionnaires axillaires permettant de donner une information pronostique. Le traitement adjuvant consiste à traiter la maladie micro métastatique, c’est-à-dire à éradiquer les cellules tumorales qui ont déjà migré hors de la tumeur vers les premiers relais ganglionnaires mais qui n’ont pas encore pris la forme de métastases identifiables. Celui-ci implique alors une irradiation et une thérapie systémique, comprenant plusieurs types de chimiothérapies, hormonothérapies et agents biologiques. 2) Traitement du cancer du sein invasif Le traitement chirurgical d’un cancer du sein invasif consiste en une lumpectomie ou une mastectomie totale. Chez les femmes dépourvues d’atteinte ganglionnaire clinique, la chirurgie comprend une biopsie du ganglion sentinelle (GS) pour stadifier le creux axillaire. Dans l’essai AMAROS, qui concerne des tumeurs de stade cT1-2N0 jusqu’à 5 cm et cliniquement indemnes d’atteinte ganglionnaire, les options chirurgicales étaient conservation mammaire ou mastectomie avec cartographie du GS. L’irradiation axillaire a montré qu’elle était une meilleure option thérapeutique que la dissection du GS quand celui-ci revenait positif (95). Dans cette étude, 744 des patientes avec un GS positif ont bénéficié d’une dissection du GS, et 681 ont reçu une irradiation axillaire.(95) Au terme de 5 années de suivi, le taux de récidive axillaire était de 0,54 % dans le groupe dissection du GS et de 1,03 % dans le groupe irradiation. Il n’existait pas de différence significative entre les groupes respectifs pour ce qui était de la survie sans maladie (86,9 vs 82,7 %) ou de la survie globale (93,3 vs 92,5 %). Cependant le taux de lymphoedème dans le groupe dissection du GS était deux fois plus important que dans le groupe irradiation (28 vs 14 %). Les données de suivi à 10 ans des essais multicentriques UK Standardisation of Breast Radiotherapy (START) confirment que la radiothérapie adjuvante sur 3 semaines en hypofractionnée -- dans laquelle la dose totale, moins élevée, est délivrée en un plus petit nombre de fractions mais de dosage supérieur -- est aussi efficace et sûre que le schéma international standard étalé sur 5 semaines, pour les femmes présentant un cancer du sein précoce traité par chirurgie première. De plus, le régime hypofractionné pourrait entraîner moins de dommages au niveau du tissu sain avoisinant la tumeur.(96,97) Les marges de lumpectomie Le guide de recommandations suivant, publié par la Society of Surgical Oncology et l’American Society for Radiation Oncology, se positionne quant aux marges de la chirurgie mammaire conservatrice associée à l’irradiation complète du sein pour les cancers invasifs de stade I et II (98,99) : • Il est observé au moins deux fois plus de récidives ipsilatérales (RI) lorsque les marges sont positives. • Des marges négatives diminuent le risque de RI, et des marges saines élargies ne le réduisent pas plus. • La thérapie systémique réduit le taux de RI; pour les patientes qui ne reçoivent pas de chimiothérapie adjuvante, des marges élargies comparées à celles au ras de la tumeur ne sont pas nécessaires. • Les sous-types biologiques n’influent pas sur le type de marges à réaliser. • La présence de marges saines élargies n’influe pas sur le type d’irradiation à délivrer, le fractionnement ou bien la dose complémentaire (« Boost ») à appliquer sur le lit tumoral réséqué. • Les marges saines élargies ne sont pas indiquées dans les cancers lobulaires invasifs, la présence d’un carcinome lobulaire in situ (CLIS) au niveau des marges n’est pas une indication de nouvelle exérèse ; la signification de la présence d’un CLIS pléiomorphe aux marges n’est pas claire. • Les femmes jeunes présentent un risque plus élevé de RI après traitement conservateur, de récidive locale sur la paroi thoracique après mastectomie, et présentent aussi des caractéristiques biologiques et anatomopathologiques défavorables. L’obtention de marges saines élargies ne supprime pas ce risque accru de RI. • Après lumpectomie, une composante intra-canalaire étendue témoigne probablement de la présence d’un gros reliquat de CCIS. Lorsque les marges sont négatives, il n’y a pas d’argument en faveur d’une augmentation du risque de RI ou de composante intra-canalaire étendue. Irradiation après lumpectomie Le but de cette irradiation après chirurgie conservatrice est d’éradiquer la maladie microscopique résiduelle, tout en réduisant le risque de récidive d’environ 75 %. Basée sur les résultats de plusieurs études randomisées, l’irradiation sur le sein entier est considérée comme un standard de traitement, même pour les maladies de plus faible risque avec de meilleurs facteurs pronostiques. Il existe deux manières de délivrer une irradiation : la radiothérapie externe conventionnelle (EBRT) et l’irradiation mammaire partielle (PBI). La radiothérapie sein entier (WBRT) consiste en une EBRT délivrée sur le sein à la dose de 50-55 Gy sur 5 à 6 semaines. Elle est souvent suivie d’une dose complémentaire (“Boost”) délivrée spécifiquement sur le lit tumoral réséqué. Les effets secondaires attendus de la radiothérapie comprennent fatigue, douleur mammaire, oedème et desquamation cutanée. Les toxicités retardées (apparaissant dans les 6 mois ou plus après la fin du traitement) regroupent œdème mammaire persistant, douleur, fibrose et hyperpigmentation cutanée. D’autres effets secondaires plus rares incluent les fractures costales, la fibrose pulmonaire, les atteintes cardiaques (en cas de traitement du sein gauche), et les néoplasies secondaires comme le sarcome radio-induit (0,5 %). L’irradiation partielle du sein (PBI) est utilisée dans les stades précoces, après chirurgie conservatrice, et permet de délivrer une dose fractionnée suffisante tout en minimisant les effets à long terme. Plusieurs techniques peuvent délivrer cette thérapie, notamment la curiethérapie interstitielle (plusieurs cathéters sont positionnés dans le sein), ou encore la curiethérapie intra-cavitaire (un ballon-cathéter est inséré dans le site de lumpectomie -- MammoSite par exemple). Le traitement est traditionnellement de 5 jours, à raison de deux séances par jour. Dans plusieurs essais randomisés, ces techniques ont montré un faible taux de récidive locale, comparable à celui observé avec l’EBRT. L’American Society of Breast Surgeons (ASBrS) recommande les critères de sélection suivants pour l’utilisation d’une PBI : • Femmes de 45 ans ou plus • Présence d’un CCI ou d’un CCIS • Taille tumorale (CCI ou CCIS) inférieure ou égale à 3 cm • Marges chirurgicales microscopiques négatives • Curage axillaire ou biopsie du GS négatif Les éventuelles complications de la PBI sont un cathéter mal positionné suivi d’un retrait inadéquat, une infection, un sérome, une fibrose, une douleur chronique, ou encore une récidive tumorale. Une étude observationnelle basée sur des données du SEER-Medicare a regroupé les données de 35947 femmes âgées de 66 ans et plus, atteintes de tumeurs invasives (79,9 %) ou de CCIS (20,1 %). Celle-ci a montré que l’EBRT standard était associée à un taux supérieur de préservation du sein à 5 ans par rapport à une lumpectomie seule ou une curiethérapie. (101, 102,103) Cependant, cette étude n’a pas pris en compte les nouvelles formes de curiethérapie, une limite qui pourrait réduire ses applications concrètes dans la vie réelle. Radiothérapie dose unique Selon deux grandes études, l’irradiation mammaire dose unique délivrée en per- ou post-opératoire immédiat est une alternative envisageable à l’EBRT chez des patientes sélectionnées qui ne présentent qu’un faible risque de récidive locale. (104) L’essai TARGIT-A regroupe plus de 3400 cas de tumeurs précoces, randomisées entre une dose d’irradiation unique de 20 Gy délivrée à l’aide d’un applicateur sphérique en per-opératoire, et une EBRT standard délivrée sur plusieurs semaines. La mortalité globale par cancer du sein était similaire dans les groupes TARGIT et EBRT (2,6 vs 1,9 %), mais il y avait significativement moins de décès non relié au cancer avec TARGIT par rapport à EBRT (1,4 vs 3,5 %). Les taux de mortalité globale étaient de 3,9 % pour le groupe TARGIT et de 5,3 % pour le groupe EBRT. (105) Dans l’essai ELIOT, 1305 patientes traitées par lumpectomie ont été randomisées entre radiothérapie per-opératoire et EBRT. Le taux de RI à 5 ans était de 4,4 % avec ELIOT et de 0,4 % avec EBRT. La survie globale à 5 ans était similaire dans les deux groupes (34 vs 31 décès), et il n’existait pas de différence significative pour ce qui était du taux de décès reliés au cancer du sein. (106,107) Irradiation post mastectomie Les recommandations de l’ASCO issues de plusieurs essais prospectifs randomisés, proposent une irradiation après mastectomie selon ces différents critères :
Des méta-analyses ont montré que l’irradiation après mastectomie combinée à celle des aires ganglionnaires diminuait significativement le taux de récidive locale et la mortalité par cancer du sein. Le bénéfice d’une radiothérapie chez les femmes présentant une atteinte axillaire de 1 à 3 ganglions est incertain. Toutefois, une méta-analyse regroupant 22 essais cliniques a montré que parmi les femmes (n=1314) qui présentaient une tumeur de stade précoce avec envahissement de 1 à 3 ganglions, et qui avaient été traitées par mastectomie + curage ganglionnaire, la radiothérapie après mastectomie réduisait la mortalité par cancer du sein de 20 %, et le taux de récidive de 32 %. Ces taux étaient similaires qu’il y eut un, deux ou trois ganglions atteints. Le suivi moyen était de 11 ans. La radiothérapie était également bénéfique pour les tumeurs avec 4 ganglions envahis ou plus, avec une mortalité par cancer du sein réduite de 13 %, et un taux de récidive globale diminué de 21 %. (108, 109) Il n’a pas été observé de bénéfice pour les tumeurs sans envahissement ganglionnaire. 3) Traitement adjuvant du cancer du sein Le traitement adjuvant consiste à traiter la maladie micro métastatique, c’est-à-dire à éradiquer les cellules tumorales qui ont déjà migré hors de la tumeur vers les premiers relais ganglionnaires mais qui n’ont pas encore pris la forme de métastases identifiables. Son but est de réduire le risque de récidive, et donc les taux de morbidité et de mortalité reliés au cancer du sein. En fonction du modèle de réduction du risque, il a été estimé que le traitement adjuvant réduisait de 35 à 72 % la mortalité par cancer du sein. 4) Traitement du carcinome in situ Le carcinome canalaire in situ (CCIS) Actuellement, le traitement standard du CCIS est la résection chirurgicale avec ou sans irradiation. L’irradiation adjuvante et l’hormonothérapie sont souvent réservées aux femmes jeunes, aux tumeurs traitées par lumpectomie, et au sous-type comédo. Aux États Unis, environ 30 % des cas de CCIS sont traités par mastectomie avec ou sans reconstruction mammaire, 30 % par chirurgie conservatrice seule, et 40 % par chirurgie conservatrice + WBRT. Le curage axillaire et la biopsie du GS ne sont pas recommandés de routine pour un CCIS. Des études ont décrit des atteintes axillaires chez 10 % de ces patientes. Dans le CCIS, la WBRT est délivrée sur 5 à 6 semaines après la chirurgie, réduisant le taux de récurrence d’environ 60 %. Une grosse moitié de ces récidives est de type invasif. Des méta-analyses d’études randomisées et contrôlées, comparant radiothérapie versus surveillance après chirurgie pour CCIS, ont montré des taux légèrement plus élevés de cancer du sein controlatéral après radiothérapie (3,85 vs 2,5 %). Des essais comparant la PBI administrée sur 5 jours à la WBRT sont actuellement en cours. Le tamoxifène est actuellement la seule hormonothérapie approuvée dans le traitement adjuvant du CCIS chez les patientes traitées par chirurgie conservatrice + irradiation. Une étude rétrospective a montré une diminution significative de risque d’apparition de nouveau cancer du sein à 10 ans chez les patientes porteuses d’un CCIS RE-positif traitées par tamoxifène. (110) Le tamoxifène en adjuvant réduit également le risque de cancer du sein controlatéral. (111,112) Dans une étude de Philips et al, le tamoxifène réduit ce risque chez les femmes porteuses de mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Les analyses ont regroupé des données provenant de cohortes de trois études différentes et incluaient ainsi 1583 sujets porteurs de mutations BRCA1 et 881 de mutations BRCA2. Parmi ceux-là, respectivement 383 (24 %) et 454 (52 %) prenaient du tamoxifène après confirmation diagnostique. (111,112) Il y eut au total 520 cas de cancer du sein controlatéral sur 20104 années-personnes d’observation. Parmi ces 520 cas observés (24 % de BRCA1 et 17 % de BRCA2),100 d’entre eux sont apparus après que les patients ont été inclus dans la cohorte. Une analyse des données à la fois rétrospectives et prospectives a montré un hazard ratio (HR) de 0,38 (p < 0,001) pour les mutés BRCA1 et de 0,33 (p < 0,001) pour les mutés BRCA2. Lorsque les analyses furent limitées aux données rétrospectives, l’effet était réduit, avec un HR de 0,58 (p = 0,1) pour les BRCA1 et de 0,48 (p = 0,07) pour les BRCA2. (111,112) Un essai clinique évaluant le rôle de l’inhibiteur de l’aromatase anastrozole comme thérapie adjuvante pour le CCIS a atteint ses objectifs. L’essai compare anastrozole au tamoxifène, administré pendant 5 ans. (113) Le carcinome lobulaire in situ (CLIS) Globalement, les options thérapeutiques du CLIS sont l’observation et le suivi rapproché avec ou sans tamoxifène, et la mastectomie bilatérale avec ou sans reconstruction. Il n’existe aucune preuve de bénéfice thérapeutique avec l’exérèse locale, le curage axillaire, la radiothérapie, ou la chimiothérapie. La présence d’un CLIS associé à un cancer canalaire ou lobulaire ne requiert pas de chirurgie immédiate du sein controlatéral. Une biopsie en miroir du sein controlatéral ne présente qu’un intérêt historique. L’essai P-1 du National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP), qui a inclus des CLIS, a étudié de manière prospective l’efficacité du tamoxifène dans la prévention du cancer du sein. (8) Les investigateurs ont observé une réduction du risque de 55 % chez les femmes traitées par tamoxifène. 5) Traitement du cancer du sein localement avancé (CSLA) et inflammatoire (CSI) Originellement, ces deux pathologies ont été regroupées car elles n’avaient que très peu de chances d’être curables par un traitement local isolé, et étaient donc considérées comme inopérables. La définition du CSLA s’est étendue aux tumeurs primitives techniquement opérables mais de tailles supérieures ou égales à 5 cm. Cependant, les indications d’un traitement néo-adjuvant sont différentes : pour les tumeurs volumineuses, le but est d’augmenter la probabilité d’une chirurgie conservatrice, tandis que pour les CSLA et les CSI, le traitement systémique a essentiellement pour but de maximiser les chances de curabilité. En septembre 2013, la FDA a approuvé le pertuzumab en traitement néoadjuvant, en association avec le trastuzumab et le docétaxel pour les tumeurs HER2-positives, localement avancées, inflammatoires, ou bien les tumeurs de stade précoce supérieures ou égales à 2 cm ou avec atteinte ganglionnaire. L’approbation s’est basée sur un essai randomisé qui comparait de nombreux protocoles de traitement avec ou sans pertuzumab chez des femmes atteintes d’un cancer du sein HER2-positif. Dans l’essai, 39,3 % des patientes traitées avec pertuzumab, trastuzumab, et docétaxel (n=107) ont présenté des réponses pathologiques complètes (pCR) au moment de la cirurgie, contre 21,5 % pour celles traitées seulement avec trastuzumab et docétaxel. (114) Un essai confirmatoire qui nous donnera des données à long terme est attendu pour 2016. De manière générale, le pronostic est meilleur pour les tumeurs T3N0 (stade IIB) et T3N1 (stade IIIA) que pour les tumeurs classiquement définies comme localement avancées (stades IIIB et IIIC) ou inflammatoires (stades IIIB et T4d). La survie sans maladie (SSM) et la survie globale (SG) sont typiquement meilleures pour les stades IIB et IIIA. Cependant, la probabilité d’obtenir une réponse pathologique complète (pRC) après traitement néo-adjuvant -- marqueur reconnu pour évaluer la réponse à long terme -- est inversement proportionnelle à la taille tumorale. Il est aussi important de différencier la proportion relative de patientes pour chaque stade. À ce sujet, les critères de stadification de la 7e édition de l’AJCC Cancer Staging Handbook diffèrent des précédentes : les tumeurs T3 auparavant considérées comme des maladies de stade III sont ainsi reportées dans l’ancienne littérature ; les tumeurs résécables avec minimum 4 ganglions axillaires envahis après chirurgie première, auparavant nommées stade II sont actuellement des stades IIIA. La révision de ces critères définit mieux les pronostics des différents sous-groupes, mais la pratique pertinente consistant à regrouper les patientes “recevant une chimiothérapie première ” reste, comme le devenir de leur traitement, fonction du type de traitement néo-adjuvant administré. Le cancer du sein inflammatoire (CSI) Cette entité, de diagnostic principalement clinique, implique la présence de signes cardinaux (calor, rubor, tumor) au niveau de la tumeur. La notion de chaleur peut parfois être subtile, et la masse difficilement palpable ou très discrète. Et même lorsqu’il existe une masse apparente, la véritable extension de la maladie (confirmée par des biopsies cutanées revenues négatives au pourtour de la tumeur), est souvent plus importante qu’elle ne paraît lors de l’examen initial. Le CSI a été décrit à l’origine avec des bordures érysipélatoïdes, mais seule une minorité de cas présente ces bordures en relief (ou bords surélevés). Dans les pays occidentaux, la fréquence du CSI est faible, (1 à 2 % de tous les cancers du sein), mais elle est plus élevée dans certaines parties du monde, comme l’Afrique du Nord, et ce, pour des raisons inconnues. Il a tendance à apparaître chez les sujets jeunes, comme pour le CSLA. Sur le plan histologique, le CSI était originellement associé à un envahissement des vaisseaux lymphatiques sous-dermiques, qui ne peut à lui seul confirmer le diagnostic car cet envahissement est aussi observé -- mais de façon plus secondaire -- dans le CSLA. Les CSI sont le plus souvent négatifs en IHC pour les récepteurs ER et PR, et un peu plus souvent positifs pour le statut HER-2. L’angiogénèse et la lymphangiogénèse semblent augmentées devant la forte densité de microvaisseaux ou par la détection de réseaux de gènes d’expression de l’ARN. Cancer du sein localement avancé (CSLA) Aux États Unis, le CSLA est plus fréquent que le CSI, et ainsi défini, il représente 10 à 15 % des cas de cancer du sein. Il diminue à environ 5 % si on ne considère strictement que les cas inopérables. Sur le plan épidémiologique, le CSLA est associé à un niveau socio-économique faible, et probablement pour cette raison, à la communauté noire-américaine. Le CSLA regroupe les tumeurs d’évolution relativement indolente et celles qui ont été négligées, ainsi que celles de croissance rapide, de comportement inhérent à leur biologie. Dans la plupart des séries, le CSLA a un meilleur devenir à long terme que le CSI, même si on ne considère que les cas inopérables. Évaluation de l’atteinte ganglionnaire et de la réponse Les CSLA et les CSI qui présentent des atteintes ganglionnaires cliniques doivent bénéficier d’un carottage biopsique avant initiation de la chimiothérapie. Celles qui ne présentent pas d’atteinte ganglionnaire clinique évidente doivent bénéficier, avant ou à la fin de leur traitement, d’une biopsie du GS. Théoriquement, il est préférable de toujours pratiquer une biopsie du GS avant le traitement, car la chimiothérapie peut éradiquer une maladie préexistante et donner un résultat faussement négatif, ou entraîner une altération du drainage lymphatique en cas de tumeurs volumineuses, et affecter la précision de la procédure. Cependant, les données de l’essai clinique néo-adjuvant B-27 du NSABP suggère que le taux de faux-négatifs après chimiothérapie néo-adjuvante est d’environ 11 %, c’est-à-dire comparable au taux de faux-négatifs lorsque cette biopsie est réalisée avant traitement. (117) Généralement, le meilleur moyen d’évaluer le statut d’une tumeur mesurable est l’échographie, idéalement toujours réalisée par le même opérateur. La masse apparaît souvent plus grosse à l’examen clinique qu’elle ne l’est à l’échographie, et peut être différenciée d’autres masses hypoéchogènes avoisinantes comme un sérome ou un hématome. Dans le CSI, l’IRM peut donner une évaluation complémentaire de la réponse au traitement. L’utilisation du TEP-scanner de routine pour évaluer la réponse doit être décidée au cas par cas. Aucune imagerie actuelle n’apparaît hautement efficace pour prédire la réponse histologique complète (pRC). La réalisation d’imageries régulières a donc pour but : • d’interrompre la thérapie en cours lorsque la tumeur montre des signes de progression sous traitement (vu dans moins de 5 % des cas) • de décider à quel moment la réponse nous semble optimale, et procéder à la résection tumorale 6) Traitement systémique du cancer du sein métastatique Des avancées considérables ont été faites dans le traitement des tumeurs de stade précoce, mais de nombreuses femmes développent toujours des récidives et des métastases, et 5 à 10 % des cancers du sein sont métastatiques au diagnostic. Bien que les traitements continuent de s’améliorer, le cancer du sein métastatique reste incurable. Certaines patientes métastatiques bénéficient quand même d’une résection chirurgicale, pour une récidive isolée par exemple, ou bien de nombreuses autres ont recours à l’irradiation palliative sur des sites spécifiques, ou à l’irradiation de métastases cérébrales. Globalement, les cancers du sein en récidive ou métastatiques doivent bénéficier d’une approche systémique afin de pouvoir traiter tous les sites atteints. Il existe deux grandes modalités de traitement : l’hormonothérapie et la chimiothérapie. 7) Traitement chirurgical du cancer du sein métastatique Comme les chimiothérapies sont devenues de plus en plus efficaces, de nombreuses patientes présentant des maladies métastatiques avec tumeur primitive en place peuvent bénéficier d’une maladie stable pendant une période longue, voire même d’une absence de maladie métastatique résiduelle après traitement. Il existe un regain d’intérêt pour la chirurgie de la tumeur primitive chez ces patientes métastatiques. Plusieurs études de cohorte monocentriques et rétrospectives ont conclu que cette chirurgie pourrait apporter un avantage en terme de survie. Nous ne savons toujours pas si ce résultat en faveur de la chirurgie résulte d’un certain nombre de biais. Cependant, le dogme de ne jamais opérer en situation métastatique a très certainement été remplacé par une attitude critique cherchant à savoir si l’achèvement du contrôle local par résection de la tumeur primitive peut apporter un gain en survie, en l’intégrant dans un traitement multimodal. Un essai clinique prospectif randomisé, nommé E2108, est actuellement en cours et tente de répondre à cette question. 8) Réduction pharmacologique du risque de cancer du sein Deux modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (SERMs), le tamoxifène et le raloxifène (Evista®), ont été approuvés dans le cadre de la réduction du risque de cancer du sein chez les femmes à haut risque. Deux essais du NSABP (P1 et P2) ont montré que le tamoxifène réduisait le risque de CCIS et de cancer invasif de 30 à 50 %. Dans l’essai NSABP P2, le raloxifène était aussi efficace que le tamoxifène pour diminuer le risque de tumeur invasive, mais était 30 % moins efficace que le tamoxifène pour la réduction du risque de CCIS. L’ASCO a mis à jour ses guides de recommandations cliniques, énoncées par un panel d’experts et issues de la littérature, concernant les manipulations pharmacologiques utilisées (tamoxifène, raloxifène, inhibiteurs de l’aromatase) pour réduire ce risque : (118) L’utilisation du tamoxifène pendant 5 sans réduit le risque de cancer du sein pendant au moins 10 ans, chez les femmes pré ménopausées, particulièrement pour les tumeurs invasives ER-positives. Les femmes âgées de 50 ans ou moins ont peu d’effets secondaires, et les effets vasculaires et vasomoteurs ne persistent pas à l’arrêt du traitement. Comme décrit précédemment, des données analysées provenant de 3 études, et incluant 1583 patientes BRCA1 et 881 patientes BRCA2, montrent que le tamoxifène administré en situation adjuvante réduit le risque de cancer du sein controlatéral chez ces patientes mutées. (111,112) Chez les patientes ménopausées, tamoxifène et raloxifène sont d’efficacité comparable pour les tumeurs ER-positives. Le raloxifène est associé à un faible taux de maladie thromboembolique, des symptômes utérins bénins, et à la cataracte comme pour le tamoxifène. Par contre, aucun des deux n’a prouvé son efficacité pour ce qui est de réduire la mortalité spécifique. L’exemesthane, un inhibiteur de l’aromatase, a également montré son efficacité dans la diminution de l’incidence de cancer invasif chez les femmes post-ménopausées présentant un risque modéré. Dans l’essai NCIC-led MAP.3, l’exesmesthane a diminué l’incidence des cancers invasifs de 65 % et celles des tumeurs invasives associées à des atteintes in situ de 53 % comparé au placébo. (117) Douleurs articulaires et bouffées de chaleur étaient les effets secondaires les plus souvent observés. Les recommandations de l’ASCO sont donc les suivantes: • Pour réduire le risque de tumeur invasive ER-positive chez les femmes pré- ou post-ménopausées ayant un risque augmenté de cancer du sein, il est préconisé tamoxifène (20 mg/jour pendant 5 ans) • Chez les femmes post-ménopausées, le raloxifène (60 mg/jour pendant 5 ans) peut être également proposé • L’utilisation sans approbation de l’exemesthane (25 mg/j pendant 5 ans) pourrait être une alternative discutée chez les femmes post-ménopausées • Ces 3 agents doivent être discutés (risques et bénéfices attendus) chez les femmes âgées de 35 ans ou plus, sans histoire personnelle de cancer du sein, et ayant un risque accru de développer une tumeur invasive 9) Suivi à long terme Recommandations de suivi Il n’existe aucun consensus parmi les oncologues, définissant un suivi approprié et optimal à long terme chez ces patientes. La majorité des rechutes, qu’elles soient locales ou à distance, apparaissent dans les 3 premières années qui suivent le traitement, spécialement chez les hauts risques et les patientes ER-négatives. Les recommandations de l’ASCO pour 2007 n’ont pas soutenu le dosage des bios marqueurs, incluant ACE, CA15-3 et CA 27-29, pour la surveillance des patientes, après traitement d’un premier cancer du sein.
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