Comment Haïti sauva des Juifs29 juillet 2017
Comment Haïti sauva des Juifs Le Point.fr | Publié le 10 avril 2017 | 17:03 Par Valérie Malin Lameslée Sait-on qu'Haïti, en 1939, adopte un décret-loi octroyant la naturalisation haïtienne immédiate à tous les Juifs désireux de l'obtenir ? Ce pan méconnu de l'histoire inspire à l'écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert son nouveau roman, formidablement enlevé, intitulé Avant que les ombres s'effacent. Son talent allège le poids des tragédies du XXe siècle qu'il parcourt, de la Pologne où naît son héros, jusqu'à Port-au-Prince où il vit ses derniers jours. Médecin juif polonais, né à Lodz en 1913, Ruben Schwarzberg, émigré en Allemagne, devient par les hasards de la vie un citoyen haïtien en 1941. Il ne quittera plus l'île de Toussaint Louverture, ce havre improbable où il a construit sa vie après un parcours tumultueux qu'il relate, une nuit durant, à sa petite cousine, venue avec une ONG israélienne porter secours à la ville détruite par le séisme en 2010. Buchenwald, Cuba, Paris De Berlin, où les persécutions obligent toute la famille du jeune homme à fuir, les uns aux États-Unis, les autres en Palestine, Ruben, miraculeusement réchappé de Buchenwald avec son oncle, passe par Cuba et arrive à Paris. La diaspora haïtienne lui tend les bras, c'est peu dire, qu'il s'agisse d'une belle femme mûre, d'un célèbre poète, Roussan Camille, qui œuvre, au sein de la Délégation, à lui accorder la nationalité haïtienne, ou encore de la poétesse Ida Faubert qui l'héberge. Au milieu des frayeurs, Ruben a compris que vivre passe par la débrouillardise, la jouissance de l'instant et la confiance en certains justes. Solidarité humaine Cette traversée épique et délicieusement rocambolesque de la Seconde Guerre mondiale est portée à partir d'un épisode documenté, par l'imagination du romancier qui conjugue son érudition, son expérience du nomadisme et du croisement des cultures. Il narre cette aventure avec tendresse, humour, et réussit aussi bien à installer les ambiances (de l'immeuble familial à Berlin au Bal nègre, sans oublier les soirées poétiques) qu'à incarner ses personnages dans une langue charnue, tonique et bondissante. Livre d'hier et d'aujourd'hui, Avant que les ombres s'effacent est un voyage littéraire formidablement constructif où la solidarité humaine défie et défait les murs... Itinérance créoleEn marche sur la terre en est un autre, en poésie cette fois, puisque c'est le titre du dernier recueil de poèmes de Dalembert, qui y poursuit son itinérance créole (il était invité au festival de Deauville « Livres et musiques » sur le thème des Littératures créoles) le regard ouvert sur un monde métissé, à partir du petit pays natal, « un grain de sable sur la carte du monde, longtemps je l'ai confondu au tracé de la terre ». Et le cœur plein de son « enfance haïtienne » : dans un ouvrage collectif qui porte ce titre et réunit de très belles plumes haïtiennes, il a extrait un souvenir au prisme du cinéma qui faisait les beaux jours de son quartier populaire, à Port-au-Prince : comme tous les adolescents, le jeune Louis-Philippe, particulièrement cinéphile, se demande bien pourquoi, mais pourquoi donc, il leur a été interdit d'assister à la projection du Dernier tango à Paris ! Un récit adorable, et du monde entier, lui aussi. « Avant que les ombres s'effacent » de Louis-Philippe Dalembert, Sabine Wespieser éditeur, 296 pages, 21 euros. « Une enfance haïtienne », textes recueilllis par Guy Régis Jr, Haute enfance, Gallimard, 160 pages, 13,50 euros "En marche sur la terre", de Louis- Philippe Dalembert, ed Bruno Doucey, 136 pages, 15 euros.
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18 mars 2017
Mort du poète Derek Walcott, Chantre de la Caraïbe Liberation.fr | Publié le 17 mars 2017 | 19:42 Par Claire Devarrieux Le chantre de la Caraïbe Derek Walcott est mort le 17 mars à Saint-Lucie, l’île où il était né il y a 87 ans. Il avait été, en 1992, le deuxième poète antillais à remporter le prix Nobel de littérature, après Saint-John Perse qui l’avait eu en 1960. Walcott, contrairement à l’auteur d’Amers, était anglophone. Comme a résumé un autre poète prix Nobel, Joseph Brodsky, qui admirait Walcott (comme Octavio Paz) bien avant tout le monde: "L’univers d’où vient ce poète est une véritable Babel génétique, mais dont la langue est l’anglais." Puissante, colorée, musicale, l’œuvre de Derek Walcott, entamée dès la fin des années 40, se développe de manière très structurée, nourrie à la source des traditions créoles aussi bien qu’au plus près du répertoire classique, Shakespeare en tête. Dans Une autre vie, épopée autobiographique publiée en 1973 (traduit par Claire Malroux chez Gallimard en 2002), le premier poème évoque une enfance métissée, à l’image d’un environnement composite: «Je ne suis qu’un nègre rouge qui aime la mer/ J’ai reçu une solide éducation coloniale/ J’ai du hollandais en moi, du nègre, et de l’anglais/Et soit je ne suis personne, soit je suis une nation.». Son père, un artiste, était anglo-néerlandais et sa mère antillaise. A la question «Pourquoi écrivez-vous», posée par Libération en 1985, Walcott avait répondu: «J’écris parce que depuis l’enfance, j’ai toujours pensé que c’était ma vocation. Je pense que j’ai été influencé par la mort prématurée de mon père qui était lui-même écrivain, et peintre. Il me semble simplement que je poursuis son travail qui a été interrompu». «Athlétique et populaire» Derek Walcott a créé et animé un atelier théâtral à Trinidad, où il s’est exilé dans les années 50. Il est devenu peintre, dramaturge, en plus d’être poète, puis il a partagé son temps entre Port Of Spain et les Etats-Unis, où il a longtemps enseigné, dans différentes universités. En 1992, quand il a eu le prix Nobel, très peu de gens le connaissaient en France, car il n’était pas traduit. La remise du prix a finalement coïncidé avec une publication que Claire Malroux préparait pour les éditions Circé: Au royaume du fruit-étoile. «Le vers de Walcott, a écrit Seamus Heaney (Nobel irlandais lui-même très proche de ses origines prolétaires), peut être incantatoire et s’enchanter lui-même… il peut être athlétique et populaire… il peut s’imposer à nous par l’entraînement presque hydraulique de ses mots… Quand Walcott laisse l’air de la mer brasser son imagination, il en résulte une poésie aussi vaste et revigorante que le climat maritime au début de l’Ulysse de Joyce…» La revendication de Walcott, concernant l’art poétique, n’a rien de politique. Voici ce qu’il a dit dans son discours de réception, à Stockholm: «La poésie est comme la sueur de la perfection, mais elle doit paraître aussi fraîche que les gouttes de pluie sur le front d’une statue; elle conjugue simultanément ces deux temps, le passé et le présent, le passé est la statue, le présent la rosée ou la pluie sur son front. Il y a le langage enseveli et il y a le vocabulaire personnel: le travail de la poésie est un travail de fouilles et de découverte de soi». Claire Devarrieux 5 juin 2016
«Haïti, j'aimerais t'aimer, 1804 et après?»: le cri de Marie-Claude Céleste RFI.fr | Publié le 3 juin 2016 | 20:59 Par Eric Amiens Marie-Claude Céleste, journaliste guadeloupéenne, passionnée d’Haïti, après avoir réalisé de nombreux reportages dans la Caraïbe, vient de publier Haïti, j’aimerais t’aimer, 1804 et après ? Un livre écrit six ans après le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui fait environ 250 000 morts. Dans cet ouvrage, Marie-Claude Céleste partage ses expériences sur le terrain, ses rencontres et ses analyses qui visent à mieux comprendre Haïti avec ses incohérences. Haïti considéré aujourd’hui comme l’un des pays les plus pauvres du monde dérange et en même temps fascine par son histoire, raconte la journaliste. Le pays de Toussaint Louverture est la première nation noire indépendante. Une indépendance proclamée le premier janvier 1804, après une révolution qui conduit l’armée napoléonienne à quitter l’Île. Marie-Claude Céleste dit beaucoup de choses sur ce pays parfois ignoré, mais qui pourtant a beaucoup aidé les autres. Haïti n’est pas une île « maudite ». Elle est généreuse. Haïti a en effet aidé Simon Bolivar dans sa guerre d’indépendance au Venezuela, a protesté contre l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie en 1935, a soutenu l’accession à l’indépendance des pays africains. Marie-Claude Céleste met aussi en avant le courage et la vitalité du peuple haïtien, sa créativité littéraire et artistique. Un peuple digne et fier. 2104, un pays debout prospère et respecté Malgré la situation économique politique et sociale désastreuse et qui perdure, comme Aimé Césaire, la Guadeloupéenne ne désespère pas du peuple haïtien. Elle n’est pas pessimiste. Pour elle, le pays de Toussaint Louverture a de nombreux atouts pour retrouver sa place parmi les grandes nations. Mais pour cela « autant que d’une reconstruction matérielle, c’est d’abord d’une refondation mentale de l’homme haïtien que le pays a besoin ; d’un changement de regard sur lui, sur son rôle dans la société, sur sa relation avec ses concitoyens, sur ses idéaux, sur sa manière de gérer la nation, sur son passé, sur son avenir ». Ce sont les Haïtiens eux-mêmes qui doivent se battre et entreprendre pour la refondation de leur pays. Marie-Claude Céleste espère qu’avec une ultime révolution en 2104 à l’occasion de la célébration du tricentenaire de l’indépendance, « le taux d’analphabétisme ne dépasse plus que 20% dans le pays. (…). Un écrivain haïtien a reçu le prix Nobel de littérature et grâce à Haïti, le Martiniquais Aimé Césaire a, lui aussi, reçu à titre posthume cette distinction. (…) Un Noir d’origine haïtienne a été élu président des Etats-Unis. Alors qu’en France aucun citoyen noir ou mulâtre n’a franchi le plafond de verre élyséen. » L’image d’Haïti rayonne dans le monde. Ayiti Kanpe : Haïti n’est plus un pays cassé, c’est un pays debout prospère et respecté. ************************************************************************************************** Marie-Claude Céleste, journaliste guadeloupéenne, est diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris. Elle est également titulaire d’une licence d’anglais, débute sa carrière de journaliste au service français de la BBC à Londres. Puis à Paris, elle travaille à RFI au service anglais et au service économie comme spécialiste des pays en développement. Marie Claude Céleste collabore également au mensuel Le Monde diplomatique et le quotidien La Croix. En 1990, elle s’installe en Martinique et intègre la chaîne de télévision RFO et dirige le magazine d’information Caraïbes. Marie Claude Céleste est l’auteur du documentaire « Défilée la folle » sur les femmes de la révolution haïtienne (2004). 16 mars 2016
Livre - Découverte : Haïti, mon amour Le Point.fr | Publié le 16 mars 2016 | 19:17 "Chérir Port-au-Prince", de Valérie Marin La Meslée, avec un cahier photo (Philippe Rey, 204 p., 19 euros). Haïti passe pour abriter la plus grande densité d'écrivains, de peintres et de sculpteurs au monde. C'est l'heureux effet de l'Académie de peinture créée par le roi Christophe, dès l'indépendance (1804), et du culte local de l'oralité, double héritage africain et français. Mais si Haïti s'exprime sous toutes les formes, c'est aussi le fruit d'un individualisme tenace, né du rejet du système esclavagiste des plantations et d'un génie de la débrouillardise. L'analphabétisme lui-même encourage de flamboyantes expressions plastiques, dans les fers découpés ou les poupées vaudoues, jusqu'à faire de chaque case paysanne un tableau naïf en 3D. Qui a vu l'allégresse saisir le pays, à l'élection de Dany Laferrière à l'Académie française, sait qu'Haïti est l'antithèse de la République dont rêvait Platon : chacun s'y sent un poète en puissance, sinon un prix Nobel, à l'instar de Frankétienne, le fondateur du spiralisme. Familiers de nos lecteurs, les reportages de Valérie Marin La Meslée témoignent d'une rare appétence pour les mondes caraïbe et africain. Aux antipodes du paparazzisme dénigrant qui gagne les médias électroniques globalisés, elle pratique le journalisme à son meilleur - écoute, empathie, insatiable désir de faire valoir. Ayant découvert en 2007 Port-au-Prince, elle ne cesse d'y retourner pour débusquer les meilleurs artistes dans leur atelier, des sculpteurs de la Grand-Rue à Mario Benjamin. Pour donner la parole aux danseurs, aux chorégraphes et aux écrivains (Haïti parmi les vivants, avec Lyonel Trouillot, 2010), en célébrant cette vitalité créatrice qui aida tout un peuple à surmonter le séisme de 2010, avec une tenue qui souffla la planète. Jamais elle ne s'en flatterait, mais je peux affirmer qu'elle connaît mieux aujourd'hui Port-aux-Crasses ou Dieubonville, comme les écrivains d'Haïti ont rebaptisé leur capitale, que beaucoup de Port-aux-Princiens. Le magnétisme de sa bienveillance lui ouvre les portes les mieux gardées : les cafés-bordels où tant de romanciers ont trouvé inspiration n'ont même plus de secrets pour elle. Si le meilleur remède à l'ennui est la curiosité, Marin La Meslée prouve ici que cette vertu est transitive. 3 novembre 2015
Le prix Goncourt 2015 couronne Mathias Enard L'OBS.fr | Publié le 3 novembre 2015 | 12h45 Parmi les finalistes du prix Goncourt, on ne trouve pas toujours que des excellents romans. Cette année, il y en avait deux, qui sortaient franchement du lot saisonnier par leur ampleur, leur intelligence, le puissant raffinement de leurs compositions, et leurs façons d'éclairer les terribles questions qui déchirent notre monde post-colonial en les ancrant dans une histoire longue. Ces deux romans, c'étaient «les Prépondérants» d'Hédi Kaddour (Gallimard), et «Boussole» de Mathias Enard (Actes Sud). Le premier était de facture globalement classique (grande narration polyphonique à la troisième personne), et le second plus moderniste (long soliloque sinueux d'un narrateur insomniaque). Tous deux étaient passionnants. En gros, on aurait été juré Goncourt, on aurait été bien embêté pour les départager. Les jurés Goncourt ont pourtant fini par choisir, avant de passer à table chez Drouant. Et ils ont choisi le plus moderniste: Mathias Enard, par six voix au premier tour contre deux à Tobie Nathan et une à Hédi Kaddour (manifestement victime de son demi-succès, la semaine passée, au Grand Prix du Roman de l'Académie française). C'est un beau choix, assez gonflé parce que «Boussole» n'est pas le roman plus facile à lire de l'année; mais parfaitement légitime si l'on se souvient que le testament des Goncourt invitait à donner le prix «aux tentatives nouvelles et hardies de la pensée et de la forme». De "Zone" à "Boussole" Dans ce domaine-là, Mathias Enard, 43 ans cette année, a en effet de la hardiesse à revendre depuis un bon moment déjà. Ce membre du collectif inculte est de ces auteurs qui construisent leur oeuvre sans trop se soucier des modes, mais qui, peu à peu, finissent par trouver leur public. Et qui n'a sans doute pas fini de le trouver, si l'on en croit les mots avec lesquels Bernard Pivot a expliqué le vote des Goncourt : Dans vingt ans, je ne serai plus là pour voir ça, mais Enard sera un candidat parfait pour le Nobel. Il a le profil adéquat, la culture, et parle plusieurs langues. Challenger malheureux de Michel Houellebecq en 2010, mais lauréat cette année-là du Goncourt des Lycéens avec le petit «Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants», l'auteur de «Rue des voleurs» (2012) avait surtout frappé les esprits avec «Zone», ce fiévreux monologue ferroviaire qui, en 2008, faisait le tour de toutes les atrocités commises par les hommes sur le pourtour méditerranéen: le roman lui avait valu de décrocher le prix Décembre, le prix du Livre Inter, puis d'être applaudi aux Etats-Unis où, dit-on, Francis Ford Coppola rêve de l'adapter un jour au cinéma. Cette fois avec «Boussole», qu'il médite depuis une dizaine d'années, il semble en partie revenu à la formule de «Zone»: un personnage qui rumine le passé, dans un chaos bourré de digressions, traversé de volutes d'opium, mais très savamment orchestré. Cette formule-là lui va bien. On passe ici de Palmyre à Téhéran, de Paris à Istanbul, et de Balzac à Beethoven. On perd le nord à chaque page ou presque, pour trouver le point cardinal qui aimante l'ensemble: ce point, c'est l'est. Sur ce sujet-là, Enard sait un peu de quoi il parle. Il a vécu une dizaine d'années en Syrie, au Liban et en Iran. Et son érudition assez phénoménale est celle d'un garçon qui a beaucoup lu Céline, Cendrars, Corto Maltese, les grands Russes et Malcolm Lowry (liste non exhaustive), mais aussi étudié de très près les poésies arabe et persane. Sa «Boussole» est peut-être avant tout une copieuse méditation sur l'orientalisme, sur la fascination qu'a exercé le monde arabo-musulman sur des générations d'artistes et d'intellectuels depuis l'époque romantique, et donc sur l'impossibilité qu'il y aurait à établir, aujourd'hui, une frontière entre l'Orient et l'Occident. Par les temps qui courent, au moment où les crispations identitaires se font la courte échelle de tous les côtés, cette idée-là ne fait pas de mal. 30 juillet 2015
Haïti est une blessure et une jouissance que je porte en moi L'Humanite.fr | Publié le 30 juillet 2015 Entretien réalisé par Muriel Steinmetz L’écrivain haïtien Makenzy Orcel publie a Nuit des terrasses, un recueil de poèmes enflammés par l’alcool qui délie toujours la langue. Il nous en parle. Il existe depuis toujours une littérature du bar et de l’alcool. D’Hemingway à Baudelaire en passant par Verlaine, la liste est longue. Est-ce qu’on fréquente les bars et est-ce qu’on boit pour rencontrer l’autre ou pour s’isoler ? Est-ce que ça ne peut pas être les deux à la fois ? Makenzy Orcel Je vais dans les bars pour rêver, pour me rencontrer en tant que réalité individuelle et collective. On nous a longtemps habitués à la figure de l’écrivain qui boit ou qui traîne avec une clope au bec. Je ne partage pas ce cliché qui veut que les grands auteurs soient aussi de grands buveurs. Plus que le livre d’un buveur sur l’alcool, la Nuit des terrasses est le livre d’un viveur sur la vie. Comme Hemingway ou Carl Brouard, j’aime la littérature, la fête et « les liqueurs fortes / la nudité mouvante des tables ». La quête du sens en poésie passe par l’extase. L’extase du corps et celle de la langue. Tout ce que j’entends, en dégustant par exemple le Vin d’Omar Khayyam, Enivrez-vous de Baudelaire, Nous et Je vais vous dire de Carl Brouard, Le soleil se lève aussi d’Hemingway, dans lequel tous les personnages font la fête du début à la fin, ou Comédie de la soif de Rimbaud, est un appel à vivre à fond. « Des gens qui n’ont jamais de moments de folie. Quelle horreur que leur vie ! » disait Bukowski. Autrement dit, j’ai toujours lu ces auteurs avec le sentiment de lire la vie. Boire nous libère des contraintes du temps pour accéder à la vie, à la poésie de l’instant… Est-ce que la fréquentation de l’alcool et les rencontres occasionnelles que procure le bar vous sont une source essentielle d’inspiration ? Autrement dit, est-ce que vous écrivez parfois des poèmes sans avoir bu ? Makenzy Orcel Il m’arrive de passer plus de quinze heures par jour à travailler, je n’ai pas vraiment le temps d’être alcoolique. J’ai toujours fréquenté l’alcool dans la joie de vivre, pour moi c’est l’élément qui rend tout le reste agréable… On n’est pas toujours conscient du danger que ça peut représenter d’être en quête de cette éternité. Quand je sors à Port-au-Prince, à New York, à Paris ou ailleurs, je ne le fais pas dans l’idée d’aller à la recherche de quelque chose de précis, d’une idée de bouquin… Chaque bar raconte une histoire, l’histoire du lieu où il se trouve et les gens qui le fréquentent. La ville se réveille avec l’ouverture de ses bars qui sont son vrai visage. Je suis là pour écouter ce que raconte cette histoire. Tout est source essentielle d’inspiration (je n’aime pas ce mot), le défi c’est d’arriver à mettre en mots ce qu’on ressent… J’ai mis quatre ans à écrire la Nuit des terrasses en parallèle avec mon roman qui sort en janvier chez Zulma. Un poème s’impose après un autre, à leur rythme, au fil des bars et des rencontres ; je ne suis pas allé les chercher… Sinon j’aime de temps en temps avoir la gueule de bois. Ça me donne l’impression de rentrer d’un long voyage au bord d’un bateau ivre, de renouer avec un réel dont je m’étais séparé depuis trop longtemps, d’être de retour, mais c’est tout. Pour écrire j’ai besoin d’avoir les deux pieds sur terre, de me rassembler, d’être conscient de ce que je fais. Vous buvez avec n’importe qui ? Makenzy Orcel Le phénomène d’assimilation du buveur à un modèle héroïque, de virilité, est courant ici et ailleurs. Autrement dit, celui ou celle qui enchaîne les verres sans zigzaguer, sans se faire ramasser dans le caniveau après, gagne l’estime des autres. On est fier d’accueillir à sa table ce Dionysos des temps modernes… Plus d’un recherche cette reconnaissance plutôt que de profiter du plaisir de l’instant, de la magie du décor, c’est désespérant… Dans la Nuit des terrasses ou ailleurs, tout ce qui ne suffit pas à conclure qu’on a passé un moment magique ne vaut pas la peine d’être vécu… Depuis quelques années, je bouge pas mal pour des rencontres littéraires, des résidences, pour le plaisir aussi ; et naturellement je rencontre des gens autour d’un verre informel ou dans le cadre d’une manifestation… L’expression « boire des coups » est peut-être la plus utilisée aujourd’hui pour faire une invitation (amicale ou sexy)… Il faut profiter de chaque moment comme si c’était le dernier… Cela ne se passe pas toujours comme quand on se retrouve avec des amis Chez Ronald (Ti Kwen Pam), au Yanvalou ou dans le salon de Pauline. L’alcool peut donner lieu aux plus criantes dépravations. Duvalier distribuait du rhum gratuitement à la foule qu’il faisait venir de partout à Port-au-Prince pour l’acclamer, pour prouver sa popularité… Aujourd’hui dans les veillées, on n’est plus là pour témoigner un dernier signe de respect envers la personne décédée, mais pour se bourrer la gueule en dansant sur une musique de DJ… Des femmes sont battues par leur mari alcoolique, des enfants perdus, complètement abandonnés à eux-mêmes n’ont que l’alcool pour embellir leur quotidien… On peut se retrouver avec n’importe qui à boire n’importe quoi. Les pires sont ceux qui ne savent pas quand s’arrêter. Est-ce que vous buvez pour oublier et si oui, pourquoi ? Makenzy Orcel La recherche de l’excitation comme de l’oubli des tracas est normale, constante, banale, pour reprendre les mots de Pierre Villard… Après le tremblement de terre de 2010 j’ai beaucoup bu, ce n’était pas pour oublier ; il est des choses qu’on n’oublie pas, qu’on ne voudrait pas oublier. Et je doute que l’alcool ait ce pouvoir. Je crois que j’ai bu pour arrêter de pleurer. Ça n’a pas marché. Je me suis trompé. C’est l’écriture des Immortelles qui a séché mes larmes. Lorsque vous êtes dans un bar, avez-vous un crayon et une feuille sous la main ou, pour écrire, vous faut-il être dégrisé ? Makenzy Orcel Il m’arrive parfois dans un bar de prendre des notes assez vagues ou de penser aux phrases du livre que je suis en train d’écrire, mais ce n’est pas le but, je suis là pour m’amuser… Au siècle précédent, l’écrivain passait mieux s’il était alcoolique, mais cette époque est révolue. Cela ne veut pas dire qu’on a arrêté de boire, mais on ne le crie pas sur tous les toits, on n’en fait pas une montagne médiatique. Et je trouve un peu bête l’idée de considérer l’alcool comme un moteur dans le processus créatif, une muse, en plus une muse qui nous enlève un peu de cette lucidité dont on a grandement besoin pour écrire, se relire, se corriger… Après avoir bu ce que j’écris ne vaut rien, enfin j’ai d’autres envies plus intéressantes… Et Haïti dans tout ça ? Au cœur de toutes ces errances ici et là, que devient-elle ? Est-elle un fantôme lointain ou est-elle toujours présente, même au fond du verre ? Makenzy Orcel L’Haïti sur ma route et dans mon écriture est à la fois une jouissance et une blessure que je traîne avec moi… J’ai appris à comparer mon histoire personnelle et celle du pays où je suis né et où j’ai grandi. Le point commun : une grande solitude… Tout mon travail d’écrivain consiste à combler cette solitude, aussi multiple soit-elle, parce qu’elle se manifeste chez des personnages différents appartenant à des époques qui ne se ressemblent pas. Mais quelles que soient l’ampleur du voyage et la profondeur de son verre, la littérature reste enracinée dans l’errance intérieure. 3 juin 2015
Syto Cavé « un écrivain immense » Le Nouvelliste.com | Publié le 2 juin 2015 Pour Syto Cavé, invité d’honneur à la 21e édition de Livres en folie, le cocktail a eu des allures de banquet entre amis. Au pied du dramaturge, du poète, des grands d’ici comme Lyonel Trouillot, Gary Victor ont déposé, sans flagornerie, des mots d’âme, des mots héritage pour saluer le parcours d’un « immense écrivain ». Pour Trouillot, entré en 2016 dans Le Larousse, Syto Cavé « est l’un des écrivains majeurs de la littérature haïtienne ». Son esquisse du dramaturge, du poète dont les mots sans maître habitent les chagrins d’amour, l’insouciance, les pulsions et désirs sexuels mal refrénés de monsieur et madame Tout-le-Monde, met en lumière la « sensibilité » du Jérémien. Syto, «c’est la pureté humaine jamais assaillie par le temps de la victoire, de la conquête, de la réussite ». Le poète n’est pas dans ce rapport avec les êtres et le temps. Il est immatériel. Il conjugue sa vie à l’indicatif, au « temps de la flânerie, de l’amour, de la poésie, de l’enfance », souligne Lyonel Trouillot, peu après l’hommage de Gary Victor, un autre grand nom de la littérature haïtienne contemporaine. Gary Victor évoque Syto, l’homme d’une grande générosité. Peu loquace, obligé de jeter lumière sur ses précieuses ombres, le papa de Alan Cavé soutient avoir eu le courage de dire pour la presse. Sa stature d’Invité d’honneur en impose. Il dit avoir beaucoup dit, à « haute voix, à partir du cœur et de l’esprit ». De sa gorge nouée pendant une demie seconde, Syto remercie de l’étreinte non flatteuse. « Je suis enveloppé de paroles ». Ces mots, confie le poète, ont pris le chemin du cœur. De son vieux cœur qui se remet à rêver, à envisager la possibilité de redonner, de se redonner à la littérature. Avec ses joies et ses douleurs. Meilleur diseur que discoureur, Syto, la crinière presque cendre, gilet légendaire et chemise balancée sur un jeans noir, jongle avec les mots, prend le rendez-vous de l’homme qui sait que ses jours sont comptés avec l’amour. Pas le temps pour les radotages et un désir de mourir à côté de l’amour. Des étincelles. Des hommes perdent leurs femmes. C’est un peu ça le poète. Parce que ce cocktail est aussi prétexte à autres choses, le prix de la première œuvre fiction et essai livre, quelques surprises. Le président du jury, Lyonel Trouillot, confie que le prix de la première œuvre catégorie fiction n’est pas attribué cette année. Une quinzaine d’ouvrages ne répondent pas aux critères. Le travail de relecture et d’édition n’a pas été fait, soutient Lyonel Trouillot, peu après sa salve contre le petit monde de la chaîne du livre, interpellé à cause de défaut de conception de l’objet livre. Dans la catégorie fiction, il y a en revanche trois mentions. Parmi eux, il y a Adolphe Emmanuel Brisson pour « L’entre deux ombres », Soncarno Gabriel pour « La rançon de l’otage ». Et Jean Marie Raymond Noël obtient le prix de la première œuvre catégorie essai pour son ouvrage « Evolution des technologies de l’information en Haïti : Entre l’indécision politique et le flou juridique ». Pour Rhum Barbancourt, l’inusable William Eliacin, fier d’appartenir à cette entreprise de plus de 150 ans qui, à travers son partenariat avec les écrivains, « enrichit le corpus littéraire haïtien, révèle que Gary Victor et Pierre Clitandre décrochent les dernières bourses étalées sur cinq ans. En 2016, Gary Victor signera son roman « Herodiane, la mer et le sang » et Pierre Clitandre Madame Delarue ». Plus de 10 ans après Cathédrale du mois d’août, de Vin de soleil, Pierre Clitandre est content de ce coup de pouce de 5 000 dollars US pour se remettre à écrire. Ce support va permettre au romancier de combler le vide de ces années sans. Sans roman. « J’ai passé des moments de vides », confie Pierre Clitandre, après Gary Victor qui écrase un regret à cause de la fin de la bourse Barbancourt, une initiative « extraordinaire », soutient-il avant la photo souvenir avec d’autres bénéficiaires de cette bourse. Entre la bouteille de la cuvée spéciale à la romancière Emmelie Prophète Milcé pour récompenser un travail de coordonnatrice efficace de cette bourse, les mots de Max Chauvet de Le Nouvelliste et Guy Supplice de la UNIBANK pour remercier la grande famille du livre qui rend possible Livres en folie, Boulot Valcourt a mis du sien, en chanson, pour saluer le mapou, le legs de Syto Cavé à la musique haïtienne. En personne, Syto Cavé a assisté à l’interprétation de son « La Pèsòn »…. 1er juin 2015
Kettly Mars: «La littérature nous apprend à être des hommes!» RFi.fr | Publié le 29 mai 2015 Par Tirthankar Chanda Avec son nouveau roman Je suis vivant - son septième ouvrage de fiction -, la romancière haïtienne Kettly Mars continue de sonder l’âme de sa société à la dérive. Elle le fait cette fois à travers les chamboulements provoqués au sein d’une famille bourgeoise de Port-au-Prince par le retour au bercail d’un fils prodigue, atteint d’un mal psychique. Entretien. RFI : Je suis vivant est votre septième roman et le deuxième depuis le séisme. Est-ce que c’est facile de reprendre la plume après avoir vécu une expérience aussi cataclysmique ? Kettly Mars : Ce n’est pas facile. D’autant que, parce qu’on a une visibilité, on est sollicité de toutes parts, précisément pour parler de ce cataclysme. Moi, tout de suite après le séisme, je m’étais dit que je ne voulais pas en parler. Nous vivions à combustion lente et sortir tout cela, m’aurait fait trop mal. Mais, très vite, j’ai aussi compris qu’il fallait que cette souffrance sorte et l’écriture était cet exutoire dont j’avais besoin. Donc, malgré ma décision de départ, j’ai puisé dans le drame humanitaire de mon pays l’inspiration pour mon premier roman après le séisme. Aux frontières de la soif (Mercure de France, 2013) était un roman politique dans la mesure où il raconte les conditions de vie ou plutôt de survie des victimes du cataclysme. Et ce deuxième, Je suis vivant, même s’il ne parle pas directement du séisme et de ses conséquences, l’histoire s’inscrit dans la suite chronologique de l’événement. On est dans l’après-séisme. Comment vivre après une expérience d’une telle ampleur et radicalité ? Dans le roman, cette radicalité a pour nom la folie ou l’autisme dont votre personnage principal est atteint. Tout l’enjeu du récit consiste à savoir s’il peut dépasser sa condition psychique et réintégrer sa famille. Alexandre est-il un personnage totalement imaginaire ? Cette histoire m’a été inspirée par des faits réels. Je me suis appuyée sur l’expérience d’une famille que j’ai connue de près et qui a vécu des faits similaires, soit le retour au bercail d’un fils prodigue en quelque sorte. Tout comme les Bernier, ils n’ont eu que 48 heures pour s’organiser pour reprendre cet enfant parti depuis une quarantaine d’années. Ils ne le connaissaient plus vraiment. Imaginez le sentiment qui a traversé cette famille, quasiment assommée par ce retour imprévu. Les questions qu’ils se posaient : Comment vit-on avec un aliéné mental ? Comment s’en occuper ? Quelle sera la relation ? Et puis, avoir un malade mental dans une famille, c’est un grand drame, dans toutes les sociétés d’ailleurs. Chez les Bernier, on ne parlait pas beaucoup d’Alexandre. Il est là quelque part dans leur souvenir, dans leur mémoire et leur affection. Mais son absence est aussi une douleur qu’on ne peut oublier, même s’il vit dans le même pays qu’eux, mais tellement loin d’eux ! Le retour du malade est une catastrophe. Tous se demandent comment ils vont gérer les émotions que ce retour va infailliblement susciter. C’est cette question qui traverse tout le roman. Tous les personnages se posent la question, mais c’est la mère, Eliane, qui la pose avec la plus grande acuité... Eliane, c’est la voix qui s’élève au-dessus de toutes les autres. Elle s’impose grâce à l’autorité de son âge, son amour, mais aussi la profondeur de ses blessures en tant que mère. Mais Eliane est un personnage fort, celui qui donne le « la ». Elle est le chef d’orchestre de la famille qu’on suit toujours et qui, malgré son grand âge, a été la première à réagir et à prendre les bonnes décisions, devant la situation qui s’est présentée à la famille de façon tout à fait inattendue. Elle n’est pas le seul point de vue que vous adoptez. En fait, ce qui est très intéressant dans ce roman, c’est l’alternance des points de vue. Mon défi narratif était de raconter l’histoire à travers les différents points de vue, sans l’enfermer dans une expérience subjective. Tous les personnages parlent à la première personne. Même le personnel de maison. Nous sommes dans une famille bourgeoise où les rapports avec les domestiques constituent un aspect important de la vie sociale. Pour Alexandre, ceux-ci constituent une compagnie privilégiée. Ils ne le jugent pas, ils l’acceptent tel qu’il est et, ce faisant, l’aident à s’intégrer dans son nouvel environnement. Parmi ces gens extérieurs au cocon familial, il y a Nora, la jeune fille des bidonvilles dont la sœur d’Alexandre s’est amourachée. Le regard sans complexes et sans culpabilités qu’elle porte sur Alexandre est riche en enseignements pour les proches de ce dernier. Elle les aide à normaliser leurs relations avec le revenant. Vous êtes arrivée à l’écriture tardivement, au début de la trentaine. Comment est née l’envie d’écrire ? Je dis toujours qu’après avoir mis au monde des enfants, écrire est la plus belle satisfaction qui me soit donnée dans ma vie. Pourquoi suis-je venue tardivement à l’écriture ? Ma réponse vous paraîtra banale. Arrivée à la trentaine, brusquement, j’ai senti que tout ce qui constituait ma vie, tout ce dont je me suis satisfaite jusque-là, avait perdu du sens. Il me fallait autre chose. Et cette autre chose, c’est dans l’écriture que je l’ai trouvée. J’ai mordu et je n’ai jamais lâché depuis. Mais, vous savez, écrire est une ascèse, il faut beaucoup lire, beaucoup travailler, pour gagner un peu d’assurance, un peu de maîtrise. Rien n’est pour autant jamais acquis pour de bon. La politique est très présente dans vos romans… La politique m’a rattrapée ! A l’origine, ce qui m’intéressait, c’était la poésie. Puis, quand je suis passée au roman, je me suis d’abord intéressée à la vie psychologique de mes personnages et à la complexité de l’âme humaine. Mais on ne peut pas écrire dans un pays comme Haïti sans ressentir à chaque instant le besoin, sinon de dénoncer mais de décrire, le mal-vivre, d’être ce miroir qui reflète la dérive de toute une société. Ecrire permet de comprendre et de faire comprendre. Vous-même, vous n’avez pas été tentée par la politique ? Non, la politique ne me tente pas. On ne s’improvise pas homme ou femme politique. C’est une question que l’on m’a souvent posée et pas seulement à moi, mais à beaucoup d’écrivains de ma génération. Certains d’entre nous se sont lancés dans la vie politique, mais ils se sont révélés totalement incompétents. Ce n’est pas parce qu’on a une certaine notoriété littéraire, intellectuelle qu’on est apte à être bon politique ! Pourquoi Haïti n’avance pas ? Les causes sont-elles politiques ? Nous avons un problème de leadership. Le président Martelly, même s’il fait beaucoup d’efforts, n’est pas la personne expérimentée dont le pays avait besoin dans ces moments difficiles. Comme il n’avait pas d’expérience politique, le président a été incapable de donner à notre pays une nouvelle impulsion. Haïti manque de grands hommes politiques qui peuvent s’entendre et former des coalitions d’idées et de visions. Il y a un trop-plein de candidatures pour les prochaines élections, mais c’est le règne de chacun pour soi ! Les intérêts et les ambitions personnelles priment sur le bien collectif. Cinq ans après le séisme, comment va Haïti ? Mon pays, on va dire qu’il va bien. Au moment où je vous parle, tous les gens qui vivaient sous des tentes ont été relogés, même s’ils continuent de connaître beaucoup de difficultés et doivent se battre pour s’en sortir. Personnellement, je me désole de voir le pays faire du sur place. L’année 2015 sera une année perdue en termes de développement. Nous sommes dans une année électorale, donc une année houleuse en perspective. D’autant plus houleuse qu’il n’y a pas eu d’élections depuis quatre ans. Il y aura les municipales, les législatives et la présidentielle. On ne peut pas trop prévoir ce qui va en sortir, mais il est difficile d’être optimiste. Est-ce que le séisme vous a changée en tant qu’écrivain ? En tant que personne d’abord. Perdre des amis d’un seul coup, savoir que les gens mouraient d’une mort lente sous les décombres et que vous n’y pouvez rien, cela vous marque pour la vie, que vous soyez écrivain ou pas. Oui, ma vision de la vie, de sa fragilité, de sa brièveté, de ses beautés aussi a changé. Il y un avant et un après 2010. C’est vrai pour toute ma génération, et particulièrement pour les artistes et les écrivains. A quoi sert la littérature ? Elle nous rappelle à être des hommes. Chaque fois je referme un livre que j’ai aimé lire, j’ai l’impression d’avoir un peu grandi. *Je suis vivant, par Kettly Mars. Ed. Mercure de France, 2015, 178 pages, 15,80 euros. 27 mai 2015 Maryse Condé: Ma relation avec l'Afrique s'est fondée sur un mensonge Jeune Afrique.com | Publié le 21 mai 2015 Par Clarisse Juompan-Yakam L'écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé publie une biographie culinaire. L'occasion de revenir avec elle sur sa relation avec l'Afrique et de dévoiler une facette aussi importante de sa personnalité que son don pour l'écriture : sa passion pour la cuisine. En 2012, La Vie sans fards de Maryse Condé détruisait l'image léchée de la femme forte, émancipée, qui a choisi de vivre en Afrique par conviction politique. À la place, les vérités crues d'une épouse trouble, mère défaillante, abusée par les hommes. Paru en avril, Mets et Merveilles, le dernier livre de la Guadeloupéenne, révèle cette fois-ci son double. La Maryse Condé que seuls ses amis connaissent, tout aussi importante que la romancière : la cuisinière. En 384 pages, l'ex-enseignante de l'université Columbia (New York) nous emmène dans les coulisses de ses créations littéraires, raconte les découvertes culinaires qui accompagnent les rencontres enrichissantes qu'elle fait au gré de ses voyages. JEUNE AFRIQUE : La Vie sans fards avait tout dit de vous... On découvre à présent que chaque moment tragique de votre vie s'accompagne d'instants lumineux. MARYSE CONDÉ : En relisant, j'ai réalisé que les quarante années que je retrace étaient bien tristes. Oui, il y a eu des douleurs, mais aussi beaucoup de joie, de moments agréables, de rencontres enrichissantes qu'il serait injuste de passer sous silence. J'ai donc voulu dire combien, à travers le monde, les voyages, j'ai rencontré de personnes chaleureuses et comment un pays ne se mesure pas seulement à son côté intellectuel - les livres, les romans -, mais aussi à ce qu'il offre à manger et à boire. J'ai senti qu'il fallait parler de cette deuxième partie de ma vie, en ce qu'elle avait de positif et de découvertes plus simples. Dans le milieu qui est le vôtre, dites-vous, aimer cuisiner quand on est une intellectuelle est un crime de lèse-majesté. Ma mère était la première institutrice noire de sa génération. Elle méprisait ma grand-mère, qui pour elle était le symbole de l'inculture, du peuple. Elle a inculqué à ses quatre filles le rejet des choses ordinaires de la vie et une sorte de déférence pour l'intellectuel. J'ai longtemps accepté, puis un jour je me suis rendu compte que littérature et cuisine étaient deux arts voisins. Cuisiner, c'est aussi inventer, s'accommoder de ce que l'on trouve, innover. Le désir de créativité qui anime l'écrivain et celui de la cuisinière sont exactement les mêmes. L'un se sert de mots, l'autre utilise des ingrédients, des saveurs et des épices pour créer de la beauté, de l'agréable, retenir les gens, leur donner du plaisir. Faire un tajine avec des mélanges inattendus et un livre avec un sujet choquant, des métaphores, des images, c'est pareil. Votre livre est aussi un récit de voyages autour du monde. Vous rencontrez l'Afrique dans le Paris des années 1950, années de l'émancipation des colonies et de l'effervescence politique chez les intellectuels noirs. Fille mère, vous êtes rejetée par les Antillais. Les Africains vous adoptent... Mais les Africains sont venus vers moi pour de mauvaises raisons. J'étais de bonne famille et j'avais fait Normale Sup. Ils ne voyaient pas que j'étais une femme blessée, diminuée. D'entrée de jeu, ma relation avec l'Afrique s'est fondée sur un mensonge. Une affection feinte des intellectuels du continent. Votre séjour là-bas n'a pas arrangé les choses. C'était après votre mariage avec le comédien Mamadou Condé, en 1958. Vous décrivez des années de désarroi. Les intellectuels africains de Paris que je retrouvais en Guinée, en Côte d'Ivoire ou au Ghana n'étaient pas si parfaits. Le divorce entre la rhétorique et la réalité de leur vie était flagrant. Ils affichaient des postures de révolutionnaires sans en être. Vous n'êtes jamais tendre avec l'Afrique ! Les gens se sont mépris, critiquant la vision que je donnais de l'Afrique dans mes livres. Adresser des reproches à des gouvernements ne signifie pas que vous rejetez le peuple.J'ai adoré la Guinée, qui s'est soumise à la dictature de Sékou Touré, violente et terrible. Il faut accepter la critique politique, qui est une chose. L'amour des gens, des sites, des paysages, en est une autre. Les gens voudraient que l'on passe son temps à approuver, à admirer. L'amour, c'est pouvoir et savoir se donner la liberté de critiquer quand il le faut. Dans la plupart de vos livres, vous semblez désespérer de l'Afrique. Vous a-t-elle blessée ? Pourquoi avoir gardé le nom de Condé ? Oui, certainement, elle m'a blessée. Mais elle m'a aussi beaucoup apporté. Elle donne d'une main, blesse de l'autre. La fierté d'être noire, la fierté d'être femme, la fierté d'être ce que je suis, c'est l'Afrique qui me l'a apportée. Elle m'a aidée à me construire. Sans elle, j'aurais été une petite colonisée banale comme il y en a tant. Pour ce qui est de mon nom, j'ai commencé à écrire avant d'avoir divorcé, avant que mon ex-mari meure.Avouez que Maryse Phyxtoc, mon véritable nom, n'est pas très harmonieux. Il est moins euphonique que Condé. Vous dites également votre frustration de ne pas avoir été intégrée à la communauté africaine-américaine aux États-Unis, où vous enseigniez. Au début, j'ai été une disciple d'Aimé Césaire. J'ai cru à la négritude. Pour moi, tous les Noirs de toutes les "races" étaient mes frères et mes soeurs. Puis je me suis rendu compte que les Africains-Américains ne m'acceptaient pas. Malgré ma peau noire, je venais d'ailleurs, j'avais d'autres référents, une autre histoire. Mes parents n'avaient pas eu à s'asseoir au fond d'un bus pour laisser leur place à des Blancs. Peut-être inconsciemment me le reprochait-on ? En tout cas, il n'y avait aucune raison qu'on m'accueille à bras ouverts. Mais cela a été pareil en Afrique, en Guinée notamment : les Africains ne m'ont jamais considérée comme l'une des leurs. C'était dur d'entendre mes enfants traités de fils de "toubabesse". Le fait que je n'aie pu m'intégrer ni à l'Afrique ni à l'Amérique noire confirme le mythe de la négritude. Chaque être dépend de son parcours individuel. Frantz Fanon l'a bien expliqué : s'il n'y avait pas de monde blanc en face, il n'y aurait pas de Noirs. Nous ne sommes noirs que lorsque nous sommes confrontés au monde blanc qui nous enferme dans le même sac. La négritude n'est pas totalement un vain mot. Il y a des moments où les Noirs se retrouvent. Quand ils sont à l'étranger. Par exemple dans les banlieues parisiennes. Ils partagent une forme d'exclusion et de rejet qui leur fait croire, à tort, qu'ils sont pareils. La couleur ne veut donc rien dire, et elle fait plus de tort que de bien. Que signifierait pour vous une récompense telle que le Man Booker International Prize ? Il rétablit des vérités sur un auteur dont quelques-uns des livres ont été accueillis dans l'indifférence ? Mes rapports avec la presse ne sont pas toujours conviviaux, mais mes relations avec les lecteurs ont toujours été très chaleureuses. Je reçois des lettres de tous les pays de gens qui aiment mes livres et qui les défendent. Alors j'ai toujours accordé plus d'importance aux réactions intimes et personnelles qu'aux articles plus formels dans les journaux. 18 mai 2015
Simone Schwarz-Bart : « La réalité du XXIème siècle, c’est le métissage » The-dissident.eu | Publié le 18 mai 2015 Par Julien Le Gros Quelle est l’histoire de ce manuscrit, reconstitué des années après son écriture? Mon mari André qui, après 1972, avait décidé de ne plus publier, a beaucoup détruit ses manuscrits, ses feuillets, ses cahiers. Il m’avait dit qu’il avait détruit les manuscrits du cycle antillais, et j’étais persuadée qu’il n’y avait plus d’espoir d’une quelconque publication. C’est l’obstination de Francine Kaufman, une chercheuse de Jérusalem, qui a permis de ressusciter cette œuvre. Venue en Guadeloupe, elle a trouvé un fond très précieux : différentes versions de manuscrits, des cahiers qui se suivaient, des parties manquantes… Ça a été une chasse au trésor, qui donne ce texte final, que je co-signe avec André. Nous avions écrit ensemble le premier tome, « Un plat de porc aux bananes vertes », en 1967. Nous continuons avec « L’ancêtre en solitude »1. Ce n’est pas courant d’écrire avec un mort. Ça a été un processus douloureux, mais nécessaire. Il est temps aujourd’hui que ce travail soit restitué. Ce travail fait partie d’un cycle antillais qui doit rassembler sept volumes, dont « Un plat de porc aux bananes vertes », « La mulâtresse solitude », « Pluie et vent sur Télumée Miracle »… On a tout simplement voulu porter au monde les histoires de ces générations d’hommes et de femmes. Les porter à la génération montante antillaise. Notre ambition était de replacer ces personnages dans leur propre histoire, de manière à ce que les nouvelles générations continuent les projets, la manière de vivre, la métaphysique, la sagesse que les anciens ont initié. Qu’ils puissent s’appuyer sur leur propre mémoire. Retrouver le fil de cette généalogie. N’avez-vous pas le sentiment que cette mémoire est un peu oubliée par les nouvelles générations ? Je n’en ai pas que l’impression. Aux Abymes, en Guadeloupe, il y a la statue de la mulâtresse Solitude2. Comme partout dans le monde, les gens ont tout simplement besoin de mythes fondateurs et, surtout, de héros auxquels s’identifier. Une femme comme la mulâtresse Solitude est une icône. Nos écrits expriment le souhait et l’envie de composer une galerie de portraits qui serve de miroir à ceux qui le voudront. Le récit a pour cadre le Morne Pichevin [un quartier de Fort-de-France], qui a aussi donné son nom à un roman de Raphaël Confiant en 2002. Avec, en toile de fond, l’éruption de la Montagne Pelée, qui a rasé la ville de Saint-Pierre en 1902… Je n’ai pas été en Martinique à l’époque où ce récit a été écrit par André. Lui y a séjourné. Les noms de lieu viennent de lui, mais aussi d’une volonté de placer cette histoire à Saint-Pierre. Ce monde lui était très cher, d’autant qu’il a disparu. Il y a comme une réversibilité entre le monde yiddish d’où est issu André, qui a complètement disparu, et la population de Saint-Pierre qui est partie d’un coup. C’est une espèce de passerelle entre les désastres, d’un monde à l’autre. Dans « Le dernier des justes », pour lequel il a reçu le prix Goncourt en 1959, votre mari abordait sa propre souffrance et celle du peuple juif, de l’an mille à la Shoah, qu’il a vécu. Vous même êtes porteuse des affres de cette mémoire de l’esclavage, dont vous êtes une descendante. Aviez-vous en commun cette exorcisation de la souffrance par l’écriture? Nos écritures sont une double captation. L’histoire a commencé le plus naturellement du monde avec « Le plat de porc aux bananes vertes ». Le récit se passe se passe dans un asile de vieux, à Paris où arrive une vieille femme antillaise, Mariotte. Elle commence à écrire, se sent dépossédée, seule. Elle se réapproprie les personnes qu’elle a côtoyées, et leur donne pleinement le droit de rentrer dans l’Histoire universelle. C’est un zoom, avec un angle le plus large possible, sur nous-mêmes, descendants d’esclaves. Plus on aura d’exemples, et plus on élargira notre famille, qui est grande. Notre Histoire commence par un exode, un exil fantastique. On part de l’Afrique. Puis il y a cette traversée dans cet espace concentrationnaire que sont les cales des bateaux négriers. Cette dépossession de soi-même se fait à l’arrivée par une vente déshumanisante, humiliante, sans qu’on sache ce qu’il adviendra de soi, ni ce qui nous attend. Tous ces avatars doivent être intégrés. Avant, on ne nous apprenait pas ça au cours de notre scolarité. On s’est retrouvés dépossédés de nous-mêmes. Quand il y a eu l’abolition de l’esclavage, on a commencé à se réapproprier notre Histoire. Celle-ci a commencé avec les générations qui ont suivi l’abolition. Le moment où on retrouve sa dignité, où l’on peut avoir un nom, où l’on se redresse. On a besoin de se réapproprier et de mettre à jour toute cette généalogie. De façon à ce que la mémoire ne soit pas brisée, mais réparée. Comment jugez vous les concurrences mémorielles auxquelles on assiste parfois ? Les souffrances ne se pèsent pas sur des balances. Chacune d’entre elles est unique et peut entrer en résonance avec celle de l’autre. Il n’y a aucune gloire à être une victime plus parfaite qu’une autre. La concurrence entre les mémoires est puérile, complètement contre-productive, et injuste. C’est comme si chacune des parties avait souffert pour rien. Il faut être digne quand on a une telle hérédité. Embrasser la souffrance de l’autre ne fait que nous grandir. Les racines africaines des afro-descendants ont irrigué l’œuvre de Césaire ou Maryse Condé. Vous même avez étudié à Dakar au Sénégal… L’acceptation de notre partie africaine a été quelque chose de très important. Tout commence avec l’Afrique. Cependant, l’Afrique est plus grande que l’Afrique. Elle a donné au monde toute cette diaspora qu’on retrouve aux Caraïbes, au Brésil, sur le continent américain. Comme si, depuis l’Afrique, il y avait eu une génération qu’on appelle en créole des « grenn promené ». Ceux-ci ont germé et fait des pays où ils ont été conduits une espèce de Méditerranée du XXIème siècle. C’est le fruit de la rencontre de tous ces mondes: africain, amérindien, européen, asiatique, avec leurs fulgurances. Il y a quelque chose d’unique et inédit, qui s’imagine chaque jour davantage. Pourquoi ce silence littéraire dans les années 70 qui ont été bouillonnantes, marquées par le nationalisme antillais et sa volonté d’émancipation? Nous ne sommes pas des vieux peuples, notre Histoire est toute neuve. Dans la construction identitaire, il y a des moments plus obscurs que d’autres. Ce sont des coulées de temps qu’il faut dépasser et endosser pour continuer à vivre. Quand on a l’impression, peut-être fausse, que ce qu’on écrit n’est pas nécessaire et ne crée pas le lien que l’on souhaite, peut-être vaut-il mieux ne pas le présenter au monde ? Ce travail [le cycle antillais, ndlr] était peut-être trop précurseur. À l’époque, ça n’a pas été bien compris aux Antilles. Néanmoins, on a continué à écrire, sans publier. Finalement, même si André n’a été compris qu’après sa disparition, « L’Ancêtre en solitude » est une sorte de réparation d’un tissu qui a été déchiré. L’œuvre est là, elle continuera à paraître. Le travail est déjà avancé. Il faut simplement le mettre à jour et continuer la suite de ce cycle antillais. Dans ce cycle, il y a « Un plat de porc aux bananes vertes», « La mulâtresse solitude », signée seulement par André, « L’Ancêtre en solitude», qui est présentée aujourd’hui, et dont la suite viendra sous peu… Dans son corpus, Patrick Chamoiseau revendique une filiation avec « Pluie et vent sur Télumée Miracle », votre oeuvre de 1972 devenue un classique de la littérature antillaise… « Pluie et vent sur Télumée Miracle », c’était la créolité avant la créolité. Patrick Chamoiseau a merveilleusement trouvé une écriture qui correspond à notre aire géographique, à ce que nous avons inventé comme manière d’être et de dire ce que nous sommes. C’est un très grand écrivain, et un homme exceptionnel. Comme Édouard Glissant, vous avez toujours défendu dans votre œuvre que la créolisation du monde, le métissage, est non seulement irréversible mais souhaitable… Le métissage est nécessaire parce qu’il est, tout simplement! À l’heure actuelle, on ne vit pas dans le monde, on vit dans les mondes. Forcément il y a rencontre, copie, pillage, utilisation planétaire de toutes les données, les races, les cultures. C’est un choc et une rencontre exceptionnelle entre les cultures. Il faut apprendre à voir et détecter tout cela. C’est notre réalité, celle du XXIème siècle. Vouloir le nier, c’est nier l’évidence! Vous vivez à Goyave en Basse-Terre, en Guadeloupe. Dans les médias, beaucoup d’images négatives circulent sur la Guadeloupe, notamment sur la flambée de la criminalité. Quel est votre sentiment ? Ça se dégrade partout dans le monde. On n’entend que cela. En Guadeloupe, les choses ne vont pas aussi bien qu’elles le pourraient. Mais on sera certainement amenés à dépasser tout cela. Nous sommes obligés de créer quelque chose de nouveau, parce qu’on est confrontés à notre exiguïté territoriale au quotidien. C’est vrai que nous avons une certaine malchance. Mais nous sommes un peu des magiciens, parce qu’on a transformé une mauvaise donne en bonne donne. Si nous ne voulons pas que ça finisse en peau de chagrin, nous sommes obligés de nous réinventer au fur et à mesure, de proposer quelque chose de nouveau. Je ne pense pas que la Guadeloupe soit le pire des endroits. Nous avons encore de très belles choses à offrir. Si au lieu de relever tout ce qui est dit de négatif, on se mettait à comptabiliser tout ce qu’il y a de positif – les athlètes, les écrivains, les artistes, et le pays lui-même, qui est magnifique – on s’apercevrait que la donne n’est pas si mauvaise que ça ! Notes : 1 « L’ancêtre en solitude », de Simone et André Schwarz-Bart. Édition du Seuil, février 2015, 240 Pages. 2 En 2014, à l’initiative de la sénatrice Hélène Lipietz, une statue de la mulâtresse Solitude a été installée au Sénat en compagnie de deux autres femmes pré-révolutionnaires, Olympe de Gouge et Christine de Pisan. 3 En 2009, Simone Schwarz-Bart a publié à titre posthume « L’Étoile du matin » d’André Schwarz-Bart, un conte hassidique qui rend un hommage aux destins de femmes et d’hommes juifs brisés par l’Histoire. |
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