31 janvier 2015
Pour l'Amour de Claire - Edwidge Danticat | Tout Haiti dans les yeux d'une fillette... Le Devoir | Samedi 31 janvier 2015 Par Danielle Laurin Roman traduit de l'anglais par Simone Arous Editions Grasset Nous sommes dans un petit bled haïtien miséreux nommé Ville Rose, où tout le monde connaît tout le monde. Au centre de Pour l’amour de Claire : une fille de pêcheur nommée Claire, comme sa mère, qu’elle n’a jamais connue : elle est morte en lui donnant la vie. On fait la connaissance de Claire le jour de ses sept ans, alors qu’une vague géante a emporté un pêcheur du coin, ami de longue date du père de la fillette. « Ainsi, le jour de son anniversaire était-il un jour de deuil. La vague monstrueuse et le pêcheur disparu prouvaient qu’il n’avait jamais cessé de l’être. » Très vite nous allons remonter dans le temps. Revenir au jour du sixième anniversaire de Claire. Alors que son père, englué dans la pauvreté, demande, devant sa fille, à la dame qui tient la seule boutique d’étoffes de la région, de la prendre avec elle. Ainsi, espère-t-il, Claire aura la chance de sortir de la misère, en échange de quoi elle pourra aider au ménage de la maison et du magasin. Mais la dame fortunée refuse, ce jour-là, l’offre du pauvre pêcheur analphabète qui, lui, espère partir au loin « pour trouver une vie meilleure ». Nous voici maintenant le jour du cinquième anniversaire de Claire. Comme chaque matin le jour de son anniversaire, son père l’amène voir la tombe de sa maman. Au cimetière, ils croisent la dame de la boutique. Le père, tout en caressant nerveusement l’épaule de Claire : « Vous vous souvenez de ma fille ? » La dame : « Je vous en prie, laissez-moi me souvenir de la mienne. » Au jour du quatrième anniversaire de Claire, la fille de la dame, Rose, sept ans, meurt dans un accident de circulation. Au jour du troisième anniversaire de Claire, son père la reprend avec lui à Ville Rose, après l’avoir laissée jusque-là aux bons soins de sa belle-famille : « La mort de sa femme l’avait tant choqué que de voir même le minuscule visage du bébé non seulement l’attristait mais le terrifiait. » Au jour de la naissance de Claire, de la mort de sa mère, le père, ne sachant comment nourrir le bébé, demande à la dame de la boutique de l’allaiter. Ce qu’elle accepte, vu qu’elle appréciait beaucoup la mère. Mais une fois seulement. Au père de se débrouiller ensuite. On remontera ainsi jusqu’au jour de la conception de Claire… pour revenir ensuite au jour de son septième anniversaire, tandis que les recherches pour retrouver le corps du pêcheur disparu se poursuivent. Le soir venu, la dame de la boutique propose d’elle-même au père de Claire de prendre sa fille auprès d’elle : « C’est maintenant ou jamais. » Dans la tête de Claire : jamais. Elle s’enfuit. Une écriture qui essaime Nous sommes à la page 49 du roman de l’écrivaine américano-haïtienne Edwidge Danticat, qui en compte plus de 250. Nous sommes complètement absorbés par cette histoire. Ingénieuse construction. Le récit se déploie par couches, alors qu’un narrateur omniscient fouille les pensées et les états d’âme des personnages. Mais sans jamais en faire trop. Malgré le dénuement ambiant qui crie famine, malgré les événements tragiques relatés, pas de misérabilisme. Pas de fioritures non plus. L’écriture coule, ça vibre en dessous. Des bouts de phrase en créole, aussitôt traduits sans que l’on sente la moindre lourdeur, parsèment le récit et l’ancrent dans la réalité : on y est tout à fait. Peu à peu ça rayonne, ça essaime. De Claire, de son père, de la dame de la boutique et du pêcheur disparu, on passe ensuite aux autres habitants de Ville Rose concernés par les événements. Le cercle s’agrandit, mais en spirale, sans qu’on perde jamais de vue le sort de Claire. Tout s’imbrique, se recoupe, fabuleusement. Et tragiquement. Les retours dans le passé nous mènent loin. Jusqu’à une vingtaine d’années auparavant, et même plus si on tient compte de la généalogie des personnages en jeu. On se transporte bientôt dans un bidonville nommé Cité Pendue. Là-bas sévit une bande de malfaiteurs, et bientôt une guerre de gangs aura lieu. D’enchevêtrement en enchevêtrement, on assistera à un meurtre. On mesurera l’étendue de ses répercussions sur l’entourage immédiat et plus lointain. Nous irons jusqu’à Miami, où un fils de famille nantie, impliqué dans une histoire de viol d’une domestique, tentera de refaire sa vie. Avant d’être rattrapé par son passé. Nous aurons assisté entre-temps à la montée de la violence en Haïti. La corruption est généralisée, le fossé entre la petite frange de fortunés et la masse affamée est monstrueux. Entre la vie et la mort Nous aurons assisté à toutes sortes de chassés-croisés amoureux. Et de trahisons, d’humiliations. De vengeances aussi. Avec, en sourdine, le poids de la culpabilité. Toujours, ça vibre, ça palpite. Toujours, des revirements. Du type : un instant qui change la vie, les espoirs qui s’écroulent tout à coup. Et toujours, comme un tournant qui englobe tout, ce fameux soir qui revient, le soir où Claire, tout juste sept ans, disparaît, tandis que les habitants de Ville Rose sont rassemblés pour une veillée en l’honneur du pêcheur disparu. Que faire ? Rester tapie dans sa cachette en attendant de prendre le large ou revenir une dernière fois à la cabane où elle est née avant d’aller vivre avec la dame fortunée ? Jusqu’au dernier moment, la petite Claire hésite. Puis un événement inattendu, tragique encoreune fois, où tout se joue entre la vie et la mort, advient. Mû par une sensibilité exacerbée, plein de dignité au travers de la rudesse exprimée, serti de perles de lumière qui transpercent la misère, Pour l’amour de Claire s’avère un tour de force romanesque.
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30 janvier 2015
Je serai Guéri La Bonne Nouvelle.fr Seigneur, dis seulement une parole et JE SERAI GUERI | Thierry et Myriam Fourchaud Voici la nouvelle édition du livre "JE SERAI GUERI !", best seller dans ce domaine, ce livre aborde d’une manière simple et originale le thème de la guérison intérieure. Comment trouver la paix en toute circonstance ? - Dépendons-nous de Dieu ? - Quelles sont nos idoles cachées ? - Jusqu'où nos croyances, sur nous, Dieu, les autres, limitent-elles la liberté et l'action de l'Amour en nous, et de ce fait, autour de nous ? Autant de quêtes qui appellent un véritable travail intérieur. Pour cela nous aborderons, jour après jour, les quatre étapes concrètes vers la restauration intérieure : - la conversion - le pardon - la purification - l’union à Dieu Un livre à vivre, facile à lire, parsemé́ de témoignages, d’histoires vraies et d’exercices concrets pour une approche simple d’un chemin de restauration pour tous ! Déjà 30.000 exemplaires ! Existe en version téléchargement numérique ici Prix: 10 Euros 25 janvier 2015
La Martinique des révélations, dernier roman d'André-Louis Rouquier La Dépêche.fr | Publié le 22 janvier 2015 à 08h58 Sous le nom de Sandral, André-Louis Rouquier signe, une partie de son œuvre romanesque. Il est le fils de René Rouquier, poète, figure culturelle tarnaise pas oubliée. Après «A quoi jouez vous ?» : l'éveil amoureux d'un lycéen albigeois, nous voici avec «Les vérités de Malvina» en Martinique, premier poste du professeur de lettres. Des éléments autobiographiques peut-être mais aussi le vrai métier du romancier qui juxtapose une triple chronologie . L'arrivée en Martinique (1957) lui permet d'éviter la guerre d'Algérie. Sur le bateau, il tombe amoureux de Malvina. Il retourne dans l'île en 1997, pour la revoir et la trouve assassinée. C'est dans Aix aujourd'hui qu'il se remémore l'amour fou qu'il lui a porté. Malvina femme de rêve Malvina, la femme, le rêve de femme incarne la Martinique et les nuances de couleurs de peau de ses populations mêlées. Blonde, Malvina n'est pas une béké car un peu de sang noir coule dans ses veines. Elle a ramené un peintre de la métropole. En mal de création, étouffé par la nature tropicale, il choisira le suicide par la fuite au large en bateau. Le héros sait qu'il ne pourra pas vivre un amour durable avec Malvina. En métropole, il va partager avec Alix une vie de couple au long cours. Dans un style alerte sans volonté d'exotisme, sont évoqués divers aspects de la Martinique : la menace volcanique, son parler créole, sa cuisine, son fameux Carnaval et ses rapports de dépendance avec la France. Féministe, avec de multiples amants, Malvina incarne les contradictions de la société antillaise. Pour le jeune métro, son soupirant, la Martinique, c'est aussi un engagement révolutionnaire . Pour l'écrivain chevronné, retiré en Provence : une vraie réflexion sur le temps qui passe, les illusions politiques envolées, les exigences de l'amour. André Sandral, Les vérités de Malvina, L'Harmattan, 2014, 215 pages, 19,50€ Robert Fabre 25 janvier 2015
Haïti, la rage de vivre malgré tout | « Bain de Lune », de Yanick Lahens Le Monde Diplomatique - Les Blogs du Diplo | 25 janvier 2015 Par Christophe Wargny Les Mésidor contre les Lafleur, hobereaux accapareurs contre petits paysans et gagne-deniers, jamais sûrs de gagner la nourriture de demain... Dans la région d’Anse rouge, la mer est à tous, mais s’appauvrit ; la terre, moins féconde elle aussi, n’appartient qu’à quelques-uns, organisateurs exclusifs de l’économie locale. Nous sommes au cœur de deux lignées, dans l’Haïti rurale du XXe siècle, entre la fin de l’occupation américaine (1915-1934) et l’irruption au pouvoir de la théologie de la libération (1991-2004). Une Haïti à forte croissance démographique sur fond d’économie stagnante. Trois ou quatre générations nous content un quotidien de souffrance et de survie, de fortes croyances, de rituels, de conflits et de cette capacité à toujours faire face, même quand l’issue paraît étroite ou virtuelle, qu’on nomme le ressort [1]. Heureusement, un tableau généalogique vient à notre secours en fin de livre, car on se perd un peu parmi les dizaines de personnages. Mais le créole, et l’indispensable glossaire, contribuent à les faire vivre et régalent le lecteur. La langue donne au récit poésie, véracité et truculence. Il ouvre sur la singulière Caraïbe. Anse rouge est une bourgade imaginaire, avec ses grandes familles — grandes, parce qu’elles rassemblent plusieurs générations. Anse rouge l’ordinaire, pas bien différente des bourgades mal arrosées du Nord, mal arrosée elle aussi parce qu’ouragans et cyclones lessivent une terre où les arbres sont devenus rares. Il n’y a d’ailleurs que les aléas d’une météorologie capricieuse pour déranger les tâches quotidiennes. Des travaux que différencient le sexe et la classe sociale. Les postures et les rôles paraissent définis une fois pour toutes. Le changement, c’est la continuité d’une lutte des classes, plus sourde qu’explosive, mais permanente et sans merci. En fait, il n’y a pas que les caprices du soleil et cette pluie, trop avare ou trop prodigue, mais toujours « trop ». Il faut compter avec Dieu et l’Etat, tout aussi imprévisibles. Ou trop prévisibles. Aprè dyé se leta — « Après Dieu vient l’Etat », dit le proverbe. A Dieu, aux dieux, Yanick Lahens donne la première place. A l’exception de rares esprits forts, ils rythment la vie, l’amour, la mort. A grand renfort d’expressions créoles et grâce à une fine connaissance de la religion vaudou, de ses divinités — les lwa tout à la fois secourables, polissons et omniprésents —, l’auteur introduit avec bonheur, distance et poésie, cette magie qui apporte parfois une heureuse surprise, un concours inattendu au cœur de la tragédie. Ne restent parfois que l’amour et le clairin. Dieu, c’est aussi celui du prêtre. Très homme, le prêtre catholique, à l’instar des divinités vaudou qu’il est payé pour combattre, brutal ou miséricordieux. Il chapitre, rançonne, soutient, prêche la servilité toujours, la revendication parfois. Il exige contrition et respect. Pourquoi pas, puisque entre la sainte Vierge et les saints calendaires se glissent les lwa ? Les deux religions s’imbriquent. On peut avoir un saint patron homologué par l’Eglise apostolique et romaine et, dissimulé derrière, le mèt tèt, votre lwa favori. Agwé, Damballah, Ogou ou Legba paraissent rivaliser victorieusement avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Peut-être chaque initié, chaque fidèle trouve-t-il là de quoi jongler dans un espace de liberté. La liberté ailleurs se confond avec l’évitement. Résister, c’est retarder l’affrontement. Avec le devoir de regarder ses chaussures, ou ses pieds nus, quand on croise plus puissant que soi. Surtout s’il s’agit des hommes en bleu, grâce à qui « l’homme au chapeau noir et aux lunettes épaisses » sait tout sur tous. Et peut tout contre chacun. Ainsi sont désignés les tonton-macoutes et Duvalier, ou plus généralement le dictateur du moment. A se demander si l’Etat vient après, ou avant les dieux. Vivre, c’est survivre, c’est souffrir, se courber sur les labours ou devant les puissants. C’est croire. Et c’est espérer, quand le parti des Démunis s’impose. Quand on règle, ou qu’on espère régler, sans économie de violence, trente ans de tyrannie féroce (1957-1986). Ce n’est pas écrit dans le texte, mais c’est Aristide qui remplace Duvalier. Et le Prophète finit par ressembler au dictateur aux grosses lunettes. Rien ne change. On leur substitue ensuite Développement, venu dans les fourgons de l’étranger. Concept ou divinité nouvelle ? Développement, développement. Rien ne change. Eternels résistants, fatalistes et désabusés, les descendants des Mésidor et des Lafleur ? Une rage de vivre dans « un surplace existentiel », pour reprendre l’expression d’un autre écrivain haïtien, René Depestre. Notes[1] Yanick Lahens, Bain de Lune, Sabine Wespieser éditeur, Paris, 2014, 271 pages, 20 euros. Prix Fémina 2014. |
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