16 mars 2016
Livre - Découverte : Haïti, mon amour Le Point.fr | Publié le 16 mars 2016 | 19:17 "Chérir Port-au-Prince", de Valérie Marin La Meslée, avec un cahier photo (Philippe Rey, 204 p., 19 euros). Haïti passe pour abriter la plus grande densité d'écrivains, de peintres et de sculpteurs au monde. C'est l'heureux effet de l'Académie de peinture créée par le roi Christophe, dès l'indépendance (1804), et du culte local de l'oralité, double héritage africain et français. Mais si Haïti s'exprime sous toutes les formes, c'est aussi le fruit d'un individualisme tenace, né du rejet du système esclavagiste des plantations et d'un génie de la débrouillardise. L'analphabétisme lui-même encourage de flamboyantes expressions plastiques, dans les fers découpés ou les poupées vaudoues, jusqu'à faire de chaque case paysanne un tableau naïf en 3D. Qui a vu l'allégresse saisir le pays, à l'élection de Dany Laferrière à l'Académie française, sait qu'Haïti est l'antithèse de la République dont rêvait Platon : chacun s'y sent un poète en puissance, sinon un prix Nobel, à l'instar de Frankétienne, le fondateur du spiralisme. Familiers de nos lecteurs, les reportages de Valérie Marin La Meslée témoignent d'une rare appétence pour les mondes caraïbe et africain. Aux antipodes du paparazzisme dénigrant qui gagne les médias électroniques globalisés, elle pratique le journalisme à son meilleur - écoute, empathie, insatiable désir de faire valoir. Ayant découvert en 2007 Port-au-Prince, elle ne cesse d'y retourner pour débusquer les meilleurs artistes dans leur atelier, des sculpteurs de la Grand-Rue à Mario Benjamin. Pour donner la parole aux danseurs, aux chorégraphes et aux écrivains (Haïti parmi les vivants, avec Lyonel Trouillot, 2010), en célébrant cette vitalité créatrice qui aida tout un peuple à surmonter le séisme de 2010, avec une tenue qui souffla la planète. Jamais elle ne s'en flatterait, mais je peux affirmer qu'elle connaît mieux aujourd'hui Port-aux-Crasses ou Dieubonville, comme les écrivains d'Haïti ont rebaptisé leur capitale, que beaucoup de Port-aux-Princiens. Le magnétisme de sa bienveillance lui ouvre les portes les mieux gardées : les cafés-bordels où tant de romanciers ont trouvé inspiration n'ont même plus de secrets pour elle. Si le meilleur remède à l'ennui est la curiosité, Marin La Meslée prouve ici que cette vertu est transitive.
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