2 décembre 2015
Femme trompée, pourquoi ça fait si mal ? Marie Claire.fr | Par Véronique Houguet "Elle a pris ma place" On la sent, comme une présence palpable, insidieuse et dévastatrice, l’infidélité, et, dans son sillon, l’autre, la rivale. Liaison ou accident de parcours ? Notre crocodile émotionnel ne fait pas la différence, celui que nous aimons nous a trahie, et cela nous expédie au bord du gouffre. Toujours. Toutes. Même si certaines affirment le contraire, peut-être pour se protéger... Il y a eu un avant, où l’on conjuguait liberté de chacun avec confiance, et puis il y a aujourd’hui, qui semble dire : «Au-delà de cette limite, votre idéal de couple n’est plus valable.» «L’insupportable, c’est que l’autre jouisse et désire ailleurs. A ce moment-là, c’est comme si l’on n’existait plus pour lui. Adulte, nous reprenons notre rôle affectif là où nous l’avons laissé enfant, avec l’intention, cette fois, d’en sortir vainqueur, décode la sociologue Patricia Delahaie (2). C’est ainsi que certaines femmes, habituées, par exemple, à faire des pieds et des mains pour amadouer leur père, choisissent des hommes inaccessibles ou qui les mettent en concurrence avec d’autres femmes.» Pour elles, l’infidélité marque au fer rouge un nouvel échec. Etre une femme trompée, c’est aussi prendre de plein fouet ses rêves déçus : non, on n’est pas tout pour lui ; non, on n’est pas la femme idéale capable de lui rendre fade toute tentation et de l’empêcher de succomber dans d’autres draps ; oui, il y avait des faux-semblants accrochés à notre idée du couple : «On peut se revendiquer femme libérée, avec à l’intérieur du couple, chacun ses moments à soi, mais la douleur de l’infidélité révèle que notre discours n’était peut-être qu’une façade, souligne Sophie Cadalen. Nos certitudes et notre raisonnement construit s’effondrent, et c’est une déchirure.» Certaines pardonnent, d’autres pas Blessure si insupportable que, dans le kit de survie, on dégoupille le clash. Ce vacillement éclair qui flanque à la porte une histoire d’amour. «Le clash permet de ne toucher à rien dans la relation, de ne pas fouiller. Il évite de mesurer sa part de responsabilité», complète la psychanalyste. Finalement, la douleur est à tous les étages émotionnels de l’infidélité. Avec le temps, chacune bricole sa guérison. Pour sauver sa peau et se reconstruire. Certaines pardonnent, d’autres pas. Pour oser croire encore et se donner la chance d’un nouvel amour. Avec lui ou sans lui. Femme trompée, l’avis du psy Marie Claire : L’infidélité est-elle forcément douloureuse ? Claude Halmos (3) : Oui, elle l’est forcément, toujours, car être une femme trompée revient à être quittée, même si c’est pour une heure. En couchant avec une autre, celui que l’on aime quitte la relation, l’amour et le désir qu’il avait pour nous, pour le donner à une autre. Il déserte sans prévenir le lieu de l’intimité à deux. Si cela mène certaines au désespoir ou à la dépression, c’est parce que cela renvoie à la solidité du narcissisme que l’on a construit depuis la toute petite enfance, c’est-à-dire à l’image que l’on a de soi-même. Les bases remontent probablement déjà à la façon dont on a été voulue très profondément par nos parents, et notamment par notre mère. Ensuite, s’ajoute ce que l’on a représenté pour nos parents : un enfant qui sent qu’il est une source de joie et que ses parents seraient infiniment malheureux s’il n’était pas là, ou plus là, sait qu’il a une valeur et qu’il compte. Par ailleurs, est-on considéré comme une personne intelligente, intéressante, ayant une parole qui compte ou pas ? De tout cela dépend l’image que l’on a de soi adulte. Or, être trompée vient précisément frapper dans tout cela, car l’inconscient ne connaît pas le temps, et c’est l’enfant en nous qui souffre. M. C. : Quelles blessures de l’enfance peuvent être réactivées ? C. H. : Le sentiment d’abandon quand un petit frère est arrivé – «Maman ne m’aime plus, elle aime l’autre» –, la préférence pour un autre de la fratrie ou encore le sentiment d’être un individu à qui il manque quelque chose : «Mon père n’aimait que les garçons...» Si l’enfant sent qu’il n’est pas aimé, parce qu’à un moment de sa vie, la mère ne le peut pas, parce que son histoire l’empêche d’avoir les fils de la maternité suffisamment branchés pour être totalement là avec lui – parce qu’elle est perdue, submergée par ses problèmes ou dépressive –, l’enfant interprète : «Je ne suis pas aimable.» Et il cherchera désespérément tout ce qu’il peut faire pour être, par exemple, la petite fille idéale, selon l’idéal supposé de la mère. La femme abandonnée rejoue dans le couple cette douleur : «Là aussi, j’ai essayé d’être la femme qu’il aimait, d’avoir la silhouette qu’il voulait, d’avoir telle attitude au lit, etc., mais il est allé vers une autre.» Et cela renvoie à l’idée : «Un autre enfant, ma mère l’aurait aimé.» M. C. : Est-ce pour cela que même une nuit sans lendemain peut faire cruellement souffrir ? C. H. : Le rapport à la sexualité est différent entre les hommes et les femmes, on ne parle pas la même langue. Pour les hommes, la sexualité n’implique pas forcément les sentiments et ne remet pas en cause ceux qu’ils ont pour leur femme. Mais pour une femme, une aventure ou une liaison de son compagnon ouvre une blessure identique : «Il a été attiré par une autre, quelque chose chez elle lui a fait signe, tandis que moi, je ne faisais plus signe ou plus assez.» Cela peut renvoyer à l’indifférence de la mère ou du père, par exemple. Et puis, on réalise aussi que l’on n’est pas tout pour lui, qu’il nous échappe, alors que nous sommes des anciens enfants qui veulent être tout pour l’autre. M. C. : Mais alors, comment expliquer que certaines disent ne pas souffrir ? C. H. : Ces femmes le disent sans doute pour se persuader elles-mêmes. En réalité, elles veulent se protéger, parce que reconnaître qu’elles souffrent serait infiniment plus douloureux encore. En effet, certaines personnes se sont comme anesthésiées parce qu’elles ont vécu dans l’enfance des souffrances telles que si elles les avaient ressenties, elles en seraient probablement mortes ou auraient basculé dans la folie. Il existe aussi des femmes qui déconnectent la sexualité de tout affect (bien que ce soit surtout masculin). Elles ne se sentent pas trompées, puisque, pour elles, il n’y a pas vraiment de lien à l’autre. C’est le cas de celles qui pratiquent l’échangisme, par exemple, et qui peuvent y trouver une source d’excitation. Mais à ce moment-là, on ne peut plus parler de tromperie, on est dans un autre registre. Elles vivent une organisation différente du rapport à l’autre et de la sexualité. Mais, pour la plupart des femmes, aimer implique l’exclusivité à la fois du sentiment, du désir et de la sexualité. M. C. : Qu’est-ce qui se joue dans la comparaison avec la rivale ? C. H. : L’homme sert de mètre étalon pour mesurer la féminité, la séduction, la capacité à susciter l’amour, etc. La rivale est ainsi celle qui a, imaginairement, tout ce que l’on n’a pas, selon l’histoire de chacune. Par exemple : «Malgré tous mes efforts, ma mère ne m’aimait pas parce qu’elle trouvait toujours que j’étais trop ceci ou pas assez cela... Or, puisque cette autre femme parvient à se faire aimer, c’est bien parce qu’elle possède tout ce que je n’ai pas, et que je ne suis pas grand-chose.» M. C. : Comment arrive-t-on à pardonner et à se reconstruire ? C. H. : Cela dépend de comment on a été trompée. Il y a des hommes qui trompent «correctement», si l’on peut dire, ils continuent à aimer, à respecter et à désirer leur femme malgré tout. Même s’ils en désirent une autre, ils ne la mettent pas à n’importe quelle place, remplaçable par n’importe qui. Et puis, il y a ceux qui trompent avec perversion : la femme est un objet que l’on consomme, et peu importe ce qu’elle pense. A l’occasion d’une tromperie, on peut ainsi réaliser que l’on n’a été rien d’autre qu’un objet assez interchangeable pour l’autre, et cela ruine le narcissisme.
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