30 décembre 2016
La riposte d’Obama envers la Russie pour le piratage de l’élection Le Monde.fr | Publié le 30 décembre 2016 | 12;29 Par Corine Lesnes (San Francisco, correspondante) A trois semaines de la passation des pouvoirs, sa décision met Donald Trump devant le fait accompli. L’atmosphère de guerre froide qui entoure les relations entre les Etats-Unis et la Russie s’est encore alourdie, jeudi 29 décembre. Barack Obama a annoncé une série de mesures punitives contre Moscou, les plus sévères depuis un quart de siècle. Ces représailles répondent à plusieurs actions : les piratages informatiques destinés à influencer l’élection présidentielle du 8 novembre aux Etats-Unis, plusieurs cyberattaques contre des établissements financiers, universités et autres institutions, ainsi que le « harcèlement » dont font l’objet, selon la Maison Blanche, les diplomates américains à Moscou depuis deux ans. Le Kremlin a réagi en promettant des mesures de rétorsion « adéquates » et en accusant Washington de chercher à détruire « définitivement » des relations bilatérales ayant « déjà touché le fond ». Le président américain a signé un décret étendant au processus électoral le champ d’action de son ordre exécutif d’avril 2015, annoncé après le piratage de Sony, attribué à la Corée du Nord. En vertu de cette compétence élargie, il a décidé de sanctionner neuf entités et individus, dont les deux services de renseignement russes, le GRU (le renseignement militaire) et le FSB (ex-KGB), et trois compagnies qui ont fourni un soutien matériel aux opérations de hacking. Parmi les individus frappés d’interdiction d’entrer aux Etats-Unis et de gel de leurs avoirs financiers figurent le chef du GRU, Igor Valentinovitch Korobov, et trois de ses adjoints ; une mesure inhabituelle dans le monde du renseignement, où les espions sont rarement désignés nommément. « Cyberactivités malfaisantes » Parallèlement, le département d’Etat a déclaré persona non grata trente-cinq agents russes de l’ambassade de Washington et du consulat de San Francisco, accusés de se livrer à des activités « non conformes à leur statut diplomatique ». Il leur a donné soixante-douze heures pour quitter les Etats-Unis avec leurs familles. Deux propriétés du gouvernement russes, utilisées dans le cadre d’opérations de collecte d’informations, à New York et dans le Maryland, ont été déclarées fermées. En guise de représailles, la Russie va expulser trente-cinq diplomates américains. Le FBI et le département de la sécurité intérieure ont de leur côté diffusé un « rapport analytique » sur le mode opératoire des hackeurs russes. Très précis, celui-ci inclut des exemples de virus et des informations déclassifiées sur les ordinateurs dont les services russes ont pris le contrôle dans des pays étrangers afin de masquer la véritable origine des piratages. Le document est destiné à alerter les compagnies privées et les alliés occidentaux sur la « campagne globale de cyberactivités malfaisantes » à laquelle se livre la Russie, selon la Maison Blanche. Un rapport plus détaillé doit être publié avant le 20 janvier 2017, mais restera largement confidentiel, les responsables américains étant soucieux de préserver leurs sources et leurs propres méthodes de piratage. Enfin, des actions clandestines sont prévues, dont le public n’aura pas connaissance, a indiqué Barack Obama. Indépendamment du résultat de l’élection, « tous les Américains devraient être alarmés par les actions russes », a-t-il insisté. Selon le rapport établi par les seize agences américaines de renseignement, publié le 7 octobre – sans provoquer, à l’époque, un tollé national –, la Russie a interféré dans l’élection par le piratage du comité directeur du Parti démocrate et par celui du compte mail du directeur de campagne d’Hillary Clinton, John Podesta. Les courriels ont révélé nombre de mesquineries et d’arrangements peu flatteurs pour les démocrates. Accusations « ridicules » Barack Obama n’a informé Donald Trump de sa décision que quelques heures avant de l’annoncer. Et il n’a pas sollicité son avis ni cherché à coordonner la réponse, comme le fait parfois un président sortant avec son successeur désigné. Admirateur de Vladimir Poutine, le milliardaire a régulièrement exprimé des doutes, il est vrai, sur l’implication de la Russie dans le piratage des instances démocrates. Le 11 décembre, il jugeait ces accusations « ridicules », sans craindre de mettre en doute la compétence des services de renseignement qu’il s’apprête à diriger. Mercredi encore, il estimait qu’il était temps que les Américains « retournent à leur vie », plutôt que de continuer à ressasser le résultat de l’élection. Il mettait, par ailleurs, en cause « l’ère de l’ordinateur » et de la civilisation technologique : « Les ordinateurs ont grandement compliqué la vie. (…) Plus personne ne sait exactement ce qui se passe. » Après l’annonce de la Maison Blanche, M. Trump s’est contenté d’un communiqué de trois lignes où le nom de la Russie ne figure pas, pas plus que le mot « sanctions ». Il appelle une nouvelle fois les Américains à « passer à autre chose », mais indique qu’il consent, « dans l’intérêt du pays », à rencontrer, début janvier 2017, les responsables de la communauté du renseignement. Cela afin « d’être mis au courant des derniers éléments sur cette situation ». Techniquement, Donald Trump pourrait annuler les sanctions dès son arrivée dans le bureau Ovale et réautoriser l’entrée aux Etats-Unis des espions expulsés. Mais M. Obama a pris soin de diffuser leur identité, mesure irréversible. En outre, une telle décision serait politiquement épineuse. De Paul Ryan à Mitch McConnell, les chefs de file républicains au Congrès ont applaudi, jeudi, la fermeté de M. Obama à l’égard de Moscou, affichant pour seule critique qu’elle arrivait bien tard. Revenir sur les sanctions mettrait d’entrée Donald Trump en porte-à-faux avec son parti. Avec sa décision de frapper Moscou, Barack Obama s’est assuré que, d’entrée de jeu, le nouveau départ avec M. Poutine serait, pour Donald Trump, plus compliqué qu’il ne l’escomptait.
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