25 septembre 2014
Une librairie française ouvre ses portes à New York Le Monde.fr | Mis à jour le 25.09.2014 à 17h59 Par Stéphane Lauer (New York, correspondant) Antonin Baudry aime les causes qui peuvent sembler désespérées. L’attaché culturel de l’ambassade de France aux Etats-Unis s’est rendu célèbre pour ses talents de scénariste du film Quai d’Orsay et de la BD du même nom. Il s’y mettait en scène pour notamment raconter les coulisses de la rédaction du fameux discours de Dominique de Villepin à l’ONU contre l’intervention américaine en Irak de 2003. Aujourd’hui, c’est un autre défi compliqué qui l’anime : celui d’ouvrir une librairie française à New York. Celle-ci devait ouvrir ses portes samedi 27 septembre. L’écrin qui l’accueille n’est autre qu’un magnifique hôtel particulier du Gilded age, situé sur la Ve avenue. Il s’agit de l’actuel bâtiment des services culturels de l’ambassade, qui comme une partie du patrimoine immobilier diplomatique, était promis à la vente, avant que ce projet de librairie ne chemine. « DIFFUSER LA CULTURE FRANÇAISE SANS PERDRE D’ARGENT » La dernière librairie française, située au Rockefeller Center, avait fermé ses portes en 2009. Retenter l’aventure cinq ans plus tard tient de la gageure, alors qu’Amazon et le livre électronique ne cessent de gagner du terrain. « La précédente librairie avait fermé non pas faute de clients, mais en raison de loyers trop élevés, c’est une équation très difficile à résoudre à New York », souligne M.Baudry. Selon lui, la viabilité du projet, financé à 100 % par des dons privés, en majorité américains, tient au fait que la librairie n’aura cette fois-ci à payer aucun loyer. Il souligne que le but n’est pas de « faire du chiffre », mais de « diffuser la culture française sans perdre d’argent ». Cette vitrine a été baptisée Albertine, du nom du personnage de Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu . « C’est un personnage complexe, qui est du domaine de l’inconnu et de l’inconnaissable, ce qui est une belle métaphore pour une librairie », justifie M.Baudry. Il lui reste à trouver son public. « Au-delà de la clientèle française gagnée d’avance [plus de 80 000 Français vivent à New York], nous ciblons des lecteurs américains curieux, francophiles, qui pourront trouver le meilleur de la littérature française en version originale ou traduite », explique François-Xavier Schmit, le directeur d’Albertine. Il compte surfer sur le renouveau que connaît actuellement le secteur des librairies indépendantes aux Etats-Unis. Leur nombre a augmenté de plus de 20 % ces cinq dernières années, selon l’American Booksellers Association, alors que les grandes chaînes comme Barnes & Noble sont les principales victimes d’Amazon. Quant à la place de la littérature française aux Etats-Unis, elle est n’est pas si marginale sur un marché compliqué : seul 1 % des romans publiés chaque année est issu d’une traduction (contre un tiers en France). Mais le français reste la langue la plus traduite aux Etats-Unis, assez loin devant l’allemand et l’espagnol. 14 000 TITRES SUR LES 150 MÈTRES CARRÉS Albertine proposera plus de 14 000 titres sur les 150 mètres carrés répartis en deux étages et décorés par l’architecte Jacques Garcia. Mais plus qu’une surface de vente, la librairie se veut un espace d’échanges et de rencontres. Dès le mois d’octobre, un festival sera organisé autour de débats avec notamment l’écrivain Emmanuel Carrère, le mathématicien Cédric Villani, Matthew Weiner, le créateur de la série « Mad Men », ou encore la dessinatrice et réalisatrice Marjane Satrapi. Si l’endroit est idéalement placé, face au Metropolitan Museum, la librairie présente toutefois l’inconvénient, du fait de contraintes réglementaires, de ne pas avoir d’accès direct sur la rue. « Ce n’est pas forcément gênant, nous avons conçu l’endroit comme un speakeasy chic », explique M.Baudry. La découverte de « l’inconnaissable » se méritera donc au prix d’une certaine curiosité.
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