L'énigme multiculturelle Naomi Osaka, no. 1 du tennis mondial27 janvier 2019
L'énigme multiculturelle Naomi Osaka, no. 1 du tennis mondial L'Equipe.fr | Publié le 26 janvier 2019 | 13:00 En novembre dernier, quelques mois après sa victoire tonitruante à l'US Open, nous avons rencontré une jeune femme de 21 ans, de père haïtien et de mère japonaise, encore à la recherche de son identité mais prête à toutes les conquêtes. Redécouvrez le parcours de celle qui vient de remporter l'Open d'Australie et sera, lundi, n°1 mondiale. Elle sort d'un énorme 4 x 4 noir aux vitres teintées et jette un coup d'oeil vers la foule. Naomi Osaka a atterri quelques minutes plus tôt sur les hauteurs de Jacmel, ville côtière du sud d'Haïti qui rappelle le passé colonial de l'île caribéenne. Ici, dès qu'on quitte le centre-ville, ses moulures et ses couleurs, il n'y a plus que poussière, désordre et quelques arbres tordus le long d'une route qui monte vers les montagnes. Morne Ogé est une ville dans la ville ; un quartier où pétaradent les mobylettes entre les maisonnettes en parpaing et en tôle délavée. Naomi Osaka est engoncée dans une longue robe de soirée jaune dans laquelle elle marche péniblement. Le dépaysement est total. Trente minutes plus tôt, en cette journée chaude de début novembre, la nouvelle merveille du tennis féminin mondial quittait en hélicoptère le nouveau palais présidentiel de Port-au-Prince, reconstruit après le violent séisme qui a mis à terre la capitale haïtienne le 12 janvier 2010, entraînant la mort de plus de 300 000 habitants. La jeune femme (21 ans) venait d'être reçue par le président de la République d'Haïti, Jovenel Moïse, afin d'être nommée « ambassadrice de bonne volonté » de la nation. Une demi-heure plus tard, la voilà 80 kilomètres plus au sud, talons aux pieds sur une terre de cailloux. En l'espace d'un an, la joueuse japonaise est passée de l'anonymat de la 68e à la 5e place mondiale, atteinte à l'issue d'une finale de l'US Open pleine de maîtrise (6-2, 6-4) face à une Serena Williams, qui, elle, avait complètement dégoupillé. Mais Naomi Osaka n'est pas qu'une excellente joueuse. Née au Japon, élevée aux États-Unis, honorée à Haïti, pays de son père, c'est aussi une mosaïque. Dans un pays où près de 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté selon l'ONU, en étant fortement exposée aux aléas climatiques et aux catastrophes naturelles, l'émergence de la tenniswoman au niveau international est vue comme une bénédiction. « Elle est jeune, c'est une femme, un symbole du renouveau, de ce que pourrait être notre pays », se réjouit la ministre du Tourisme, Marie-Christine Stephenson. « Avant sa victoire à New York, Naomi Osaka était inconnue ici,reconnaît l'un des journalistes acheminés en bus depuis Port-au-Prince pour couvrir l'inauguration d'une école financée par la famille de la joueuse et bâtie sur le lopin de terre de ses grands-parents paternels. Depuis, elle représente l'un des rares exemples de réussite en Haïti. » « On est contents qu'elle fasse parler de nous, reprend un jeune du coin. Même si le tennis n'est pas très populaire ici. Il n'y a que les riches qui y jouent, les autres préfèrent le football. »Ce n'est effectivement pas la passion pour la balle jaune qui réunit ce jour-là une centaine de personnes tirées à quatre épingles. Dans les conversations, Naomi Osaka est « la vedette », ou « la star », parce qu'on ne connaît pas encore bien son nom. Suit une brève cérémonie, sous le regard bienveillant du père de la joueuse, Léonard François. De son côté, la jeune femme semble ne pas savoir quoi dire, ne parle ni français ni créole. Depuis octobre 2016, elle a gagné ses 64 matches après avoir remporté la première manche. Naomi Osaka semble peut-être faire régner un semblant d'ordre dans ce tennis féminin d'une grande densité. Nouvelle n°1 mondiale à 21 ans, la plus jeune depuis Caroline Wozniacki en 2010, elle remporte son deuxième titre en Grand Chelem d'affilée après celui de l'US Open. Il y a pile un an, Osaka pointait en 72e position. La voilà érigée en héroïne haïtiano japonaise, première Asiatique (homme ou femme confondus) sur le toit du monde.
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