Les Américains sous le choc de la perte de leur suprématie mondiale30 novembre 2020
Les Américains sous le choc de la perte de leur suprématie mondiale Le Monde.fr | Publié le 30 novembre 2020 | 14:49 Par Zeki Ergas, Bagnes (Suisse) La Guerre de Sécession américaine de 1861 à 1865 entre les Etats du sud esclavagistes, dont l’économie était basée sur les plantations de coton, et les Etats du nord, engagés dans une politique d’industrialisation rapide, a été terrible. Elle est la guerre qui a fait la plus de victimes dans l’histoire américaine : 600 000 morts, contre 400 000 pour la Deuxième Guerre Mondiale sur les deux fronts contre l’Allemagne nazie et l’Empire du Japon. Le Nord avait besoin d’une main-d’œuvre nombreuse libre qui serait utilisée dans les usines, les chemins de fer, les barrages, etc., alors que le mode de vie confortable et privilégié des Blancs au Sud dépendait de l’esclavagisme. La guerre s’est terminée par la victoire des Etats du nord, parce que leur cause était dans le sens de l’histoire. L’esclavagisme, un frein au développement industriel, avait été aboli, ou était en train de l’être, en Europe. Cette victoire du Nord, qui a permis de préserver l’Union, n’a pas été facile et ses séquelles douloureuses – dont le racisme, la discrimination contre les Noirs, existent encore aujourd’hui. Mais, ce n’est pas, à l’heure actuelle, là l’essentiel. La vraie raison du malaise américain aujourd’hui est une perte douloureuse. Celle de la perte d’une position, d’un statut qui était le sien pendant tout le XXe siècle : celui de la domination totale de l’empire américain sur l’économie et la politique mondiales, qui a disparu au début du XXIe siècle. C’est, autrement dit, la fin de l’empire américain à laquelle nous assistons : les Etats-Unis sont obligés de partager la domination mondiale avec la Chine et la Russie. C’est cette perte qui aujourd’hui est la cause principale de la crise qui secoue les Etats-Unis. Les Américains en général, et notamment les classes populaires blanches qui, en plus, sont en train de perdre leur majorité démographique, digèrent très mal cette situation et elles accusent les élites - économiques, politiques et intellectuelles – d’en être responsables : elles ont échoué dans leur rôle/responsabilité/mission de défendre la grandeur de l’Amérique. C’est le message de Donald Trump qui est arrivé au pouvoir en promettant de rendre à l’Amérique sa grandeur. C’est un message qui a, et qui continuera d’avoir, une grande résonance en Amérique, indépendamment de sa défaite dans les urnes face à Joe Biden, le représentant de ces élites coupables de trahison. En conclusion, je pense donc que nous vivons la fin de l’ère des élites en Amérique. Par quoi et par qui sera-t-elle remplacée ? C’est trop tôt pour le dire. Ce qui est certain est que, probablement, cette recherche d’un nouveau système sera difficile et dangereuse, non seulement pour les Etats-Unis, mais aussi pour le reste du monde. Parce que la recherche d’un changement systémique révolutionnaire s’accompagne forcément de violence. Ne l’oublions pas, aux Etats-Unis, ces derniers mois, les ventes d’armes ont battu tous les records. C’est une indication qui n’est pas anodine. Deux tendances vont s’affronter : celle de la tentative de restaurer une Amérique dominante dans le monde, vouée à l’échec, et celle d’un changement systémique favorable à une distribution plus égalitaire des ressources et des richesses. On ne peut que souhaiter que la deuxième finisse par gagner.
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