«Génération Liberté, Égalité, Fraternité» : la France a communié sur les Champs-Elysées16 juillet 2018
«Génération Liberté, Égalité, Fraternité» : la France a communié sur les Champs-Elysées Le Parisien.fr | Publié le 15 juillet 2018 | 22:54 Par Julien Duffé et Vincent Mongaillard Une marée humaine a envahi la plus belle avenue du monde dimanche soir, à Paris. Les fans ont explosé de joie au coup de sifflet final du match France-Croatie.Sitôt la délivrance sifflée, la France entière a chaviré dans un bonheur total. Un kif national. Une joie collective indescriptible. Un séisme émotionnel dont, à Paris, les secousses ont convergé par vagues successives vers les Champs-Élysées (VIIIe). À 22h10, les visages des héros apparaissent un à un projetés sur l’Arc de Triomphe avec leur prénom et leur ville d’origine. Kylian, de Bondy, l’emporte largement à l’applaudimètre. Les deux étoiles s’affichent sur le monument. Ils sont des dizaines de milliers à prendre d’assaut, ivres de bonheur, la plus belle avenue du monde qui n’a jamais aussi bien porté son nom, le bleu blanc rouge en étendard. Patrick, 21 ans, venu d’Évry (Essonne), a perdu ses potes, sa voix et n’a pas les mots. « Cette équipe, quelle puissance, quelle générosité, quelle jeunesse, crie le jeune chercheur d’emploi fan de Kanté, un drapeau coincé dans la casquette. Je leur dis merci du fond du cœur. Vingt ans après la première, ils l’ont gagnée pour notre génération. Celle-là, elle est pour nous. » Sur l’avenue extatique, nimbée du brouillard des fumigènes et des derniers rayons de ce si beau jour d’été, ils sont nombreux, les jeunes, à célébrer « leur » titre. « Je suis née en 2000 et j’ai tellement entendu : Vous n’avez pas connu 98. Maintenant, c’est fait », rigole Hermine, une Parisienne de 18 ans. Couvé par son père, Ulrich, 13 ans, « tellement content », a des éclairs dans les yeux. « Tous les maillots précédents avec une seule étoile, on peut les déchirer, lance, bravache, l’adolescent de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Maintenant, c’est deux étoiles. C’est la nouvelle France, la France des jeunes : Mbappé n’a que 19 ans. » «Cette victoire réconcilie tout le monde» Mais Axel, 21 ans, de Gisors (Eure) n’oublie pas Didier Deschamps. « Cet homme est génial et il a été déterminant : il savait comment gagner et leur a transmis. » Cette histoire de transmission, Anne-Marie, 69 ans, venue de Moselle avec ses petits enfants, la raconte aussi. « Le 12 juillet 1998, le père d’Esteban fêtait ici ses 25 ans et la première Coupe, raconte-t-elle. Il est décédé depuis. Je voulais absolument qu’ils voient les Champs comme ça. Je les avais déjà amenés à la marche pour Charlie pour qu’ils ouvrent les yeux mais ce soir, c’est de la joie ! » Elle espère un déclic collectif. « Regardez cette équipe, ce sont des Noirs, des Blancs, des Reubeus et ils ont gagné ensemble ! » Sur l’avenue, les visages souriants sont à l’image de l’équipe victorieuse. Mais plus question de parler de génération black-blanc-beur. « C’est la génération Liberté, Égalité, Fraternité, résument en chœur Yaya, 17 ans et Diafana, 18 ans, deux apprentis venus en covoiturage de Montluçon (Allier). Cette équipe brillante, qui réalise notre rêve à tous, va faire du bien à toute la France. Elle va faire l’union autour d’elle et le pays a bien besoin de ça. » En costume de super-héros bleu et rouge, Guillaume, Essonnien de 20 ans admiratif de Lloris, ne revient pas de la foule heureuse qui déferle, encore et encore. « Si ça pouvait être comme ça tous les jours », s’exclame le jeune homme. Sophie, 48 ans, assistante maternelle, a spontanément une pensée pour la nouvelle génération. « Tous ces jeunes, comme mon fils de 23 ans, c’est pour eux aussi qu’on a envie de célébrer cette victoire qui réconcilie tout le monde. Les Bleus leur envoient un message : Tout est possible, même quand on part de loin », assure-t-elle. La place des deux Étoiles Jean-Marc, 54 ans, chirurgien à la chemise à carreaux, profite de la liesse populaire. « Il y a de la cohésion comme en 1998. Tout l’été, ça va être de la folie. Et même si ça dure seulement deux à trois mois, c’est toujours bon à prendre. Cela va être excellent pour notre croissance », pronostique-t-il alors qu’un ado s’autorise un selfie au côté d’un CRS qui, le temps d’un dimanche d’exception, accepte de jouer le jeu. Accompagnés de leur fille Juliette, 8 ans, Frédéric, cadre sup' et son épouse Laurence, avocate, paradent sur les Champs dans un drôle de costume de la tête aux pattes. Un lapin aux longues oreilles roses pour monsieur, un lion vraiment pas féroce pour madame. « On a fait un pari avec notre fille. Si la France était championne du monde, on se déguisait de la sorte et on défilait sur les Champs-Élysées. On a tenu notre engagement. Aujourd’hui, tout est permis, on n’a vraiment pas l’air ridicule », s’esclaffent les deux quadragénaires devant la place de l’Étoile rebaptisée place des deux étoiles. Laurence savoure cette atmosphère à mille lieues des fractures d’hier. « C’est tellement bon pour la cohésion nationale », observe-t-elle. Deux équilibristes prennent de la hauteur sur un lampadaire. « On est les champions » ou « Champions du monde », fanfaronnent les grandes foules sur l’air brutalement devenu ringard d’« On est en finale ». D’imposantes enceintes Bluetooth, qui n’étaient pas d’actualité en 1998, font résonner le tube à la mode toutes les deux décennies, « I Will Survive », de Gloria Gaynor. Vue d’en haut, la fête est encore plus folle après la victoire en Coupe du monde Un drapeau marocain prend part à la fête. « On va mouiller le maillot », chante, jusqu’à plus de voix, une bande de joyeux lurons légèrement éméchés. Originaire du Bangladesh, Nepur, 25 ans, naturalisé français en 2015, a le cœur qui bat fort pour les Tricolores. « Je suis fier d’être Français, pays de la démocratie, des Droits de l’homme et aussi du foot », s’amuse ce responsable d’une boutique de sushis. Sa femme, qui se prénomme Happy, est tout aussi heureuse avec son T-shirt « Allez les Bleus ». Marina et Guy, deux retraités du 16e, ne sont guère impressionnés par le tapage de début de soirée à quelques foulées de leur appartement. « Les jeunes ont besoin de s’extérioriser », souligne madame. « De les voir ainsi donne de l’espoir et des forces pour le futur. Tout un peuple ressuscite. La joie redevient collective. »
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