Haïti : le chaos et l'indifférence de la communauté internationale26 avril 2023
Haïti : le chaos et l'indifférence de la communauté internationale Radio France.fr | Publié le 25 avril 2023 | La situation à Haïti s’apparente à un « conflit armé ». C’est écrit dans un rapport publié hier par l’ONU. La capitale, Port-au-Prince, a été le théâtre de nouvelles violences en ce début de semaine. La communauté internationale reste totalement impuissante. La scène se déroule hier à Port-au-Prince, dans le quartier de Canapé-Vert. Une douzaine d’hommes arrêtés par la police, des membres présumés d’un gang, sont tabassés par la foule. On ne sait pas s’ils ont été livrés aux habitants ou si la police a participé au lynchage. Toujours est-il que les victimes, en sang, sont sommées de s’étendre sur la chaussée. Les douze ou treize hommes, selon les sources, sont recouverts de pneus puis aspergés d’essence. Ils meurent brûlés vifs en plein jour dans une rue passante. D’après les témoins, le gang auquel ils appartenaient avait attaqué des maisons du quartier à l’aube, et les habitants se seraient vengés. La violence extrême fait partie aujourd’hui du quotidien des Haïtiens, surtout dans la capitale. Port-au-Prince est contrôlée à 60% au moins par les gangs. D’après l’ONU, entre le 14 et le 19 avril, en six jours seulement, à Cité-Soleil en lisière de la ville, 70 personnes ont été tuées dans des affrontements entre gangs, dont des femmes et des enfants. L'impuissance de la police Dans tout le pays, les violences ont fait 200 morts les deux premières semaines de mars. Et le bilan pourrait être plus lourd, impossible de compter les victimes dans ces zones de non-droit. La police manque d’armes, de moyens. Les effectifs sont passés de 15000 à 9000 hommes en trois ans. Beaucoup de policiers ont fui le pays ou quitté l’uniforme. Le métier est devenu trop dangereux. Pour l’anecdote, le principal chef mafieux d’Haïti, Jimmy Chérizier, surnommé « Barbecue », est un ancien flic. Le rapport de l’ONU publié hier dénombre 200 bandes armées réparties entre sept grands groupes criminels qui tuent, violent, vivent de pillages, de kidnappings. Dans certains quartiers, des snipers tirent au hasard sur des passants, parfois même sur des habitants à leur domicile. Les autorités le concèdent, elles n’ont plus la capacité à protéger la population. Les Haïtiens sont priés de s’armer eux-mêmes pour se défendre. Les gangs attirent facilement les jeunes désœuvrés qui n’ont pas de perspective d’emploi ou de progression sociale. Beaucoup d’écoles, d’hôpitaux ont fermé leurs portes. Des hôtels de plage sont occupés par des gangs. La situation économique est alarmante. Haïti se prépare à une cinquième année consécutive de récession. Un Haïtien sur deux ne mange pas à sa faim. Et le choléra a fait son retour dans le pays à la fin de l’année dernière. Un pays sans Etat La crise s’est amplifiée depuis l’assassinat en juillet 2021 du président Jovenel Moïse dans sa résidence privée. On ne sait toujours pas d’ailleurs qui l’a tué mais il est probable que ce crime soit lié au trafic de drogue. Haïti a alors peu à peu sombré dans une forme d’anarchie. Le Premier ministre Ariel Henry n’a aucune légitimité. Il avait été nommé 48 heures seulement avant la mort du président Moïse. Et depuis janvier le pays n’a plus d’élus. Les dix derniers sénateurs ont terminé leur mandat en janvier. Trois ans plus tôt déjà, tous les députés et deux tiers des sénateurs avaient quitté leur poste sans successeur. Les dernières élections remontent à 2016. Haïti est aujourd’hui un pays sans Etat. Et la crise marque aussi l’échec de la communauté internationale. En octobre dernier, le Premier ministre Ariel Henry a demandé l’envoi d’une force internationale pour rétablir l’ordre en Haïti. Un moyen aussi d’asseoir sa légitimité, ne soyons pas dupes. Les interventions extérieures ont mauvaise presse dans un pays qui en a connu plusieurs, rarement pour le meilleur. Cette fois, beaucoup d’habitants y seraient favorables faute de mieux. L’appel a été relayé par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Mais personne ne bouge. Personne ne veut prendre les commandes d’une telle force. Les Etats-Unis y sont favorables mais ne souhaitent pas être en première ligne. Le Canada l’a envisagé avant d’y renoncer. La nature ayant horreur du vide, des sociétés de sécurité privées ont approché récemment le Premier ministre haïtien. Et devinez ce qu’on trouve dans les documents américains classifiés qui ont récemment fuité : les paramilitaires russes de Wagner seraient également prêts à proposer leurs services. La Russie à l’affût en Haïti : l’indice sans doute que la crise a franchi un cap et qu’il est temps d’agir.
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