La charge mentale de l'aîné.e, cette pression qui pèse sur le premier enfant24 juin 2022
La charge mentale de l'aîné.e, cette pression qui pèse sur le premier enfant Cosmopolitan.fr | Par Clémentine Billé En quoi consiste la charge mentale de l’aîné d’une famille ?"Cette charge mentale, c’est sentir ce que mes parents attendent de moi et devoir y répondre, c’est être ce que mes parents attendent de moi", définit Camille Rochet, psychologue spécialisée dans la famille. Il y a deux éléments qui entrent en jeu : être le premier enfant, quand on est encore le seul, puis être le plus grand, quand il ou elle s’inscrit au sein d’une fratrie. Le fait d’être le premier enfant implique des projections de la part des parents. "On apprend à être parent avec l’ainé : il nous ramène à nos impuissances, à nos moments de solitude, ce dont on a manqué pendant son enfance. Un peu d’orgueil s’immisce aussi si notre enfant est exemplaire", analyse Camille Rochet. Parce que cet enfant nous renvoie à ce qu’on est en tant que parent, il est important que ça marche pour lui, qu’il n’y ait pas d’accroc. La pression que se mettent les parents est bien plus grande, aussi parce que toute leur attention est portée sur lui seule. Ils doivent forcément accepter de devoir répartir leur temps, leur attention, et ainsi d’être davantage imparfaits (donc leurs enfants aussi) quand la fratrie s’agrandit. "D’ailleurs, l’enfant suivant est souvent beaucoup plus zen, dès le plus jeune âge, en faisant ses nuits vite par exemple, car il ne ressent pas cette pression", glisse la psychologue. Au sein de la fratrie, la responsabilité est toute autre. "Je dois donner le bon exemple, être plus raisonnable dans la fratrie car parce que je suis plus grand, je comprends mieux les choses", explique Camille Rochet. Cela devient un problème quand "on oublie que l’aîné est encore un enfant, quand on a moins d’indulgence sur ses comportements non matures avec lui, parce que c’est le plus grand", estime a psychologue. Cette demande d’autonomie est plus rapide que pour le dernier, car ça nous arrange bien de garder tout de même un bébé à la maison. "Parfois, cette charge mentale n’est pas verbalisée, mais elle peut être prise en compte par l’enfant sans que rien ne lui ait été demandé : l’aîné voyant ses parents fatigués par exemple va de lui-même s’infliger une charge mentale pour soulager les parents, pour ne pas être un poids pour eux ». Les conséquences de la charge mentale de l’aîné La charge mentale s’installe pendant l’enfance, mais dure bien souvent tout au long de la vie d’adulte. Ce peut être sur des éléments qui paraissent anecdotiques, comme se sentir ou que les autres nous fassent sentir responsable de la bonne organisation des réunions familiales. Ce peut être plus profond. L’aîné sert de valeur d’exemple: ainsi au-delà de l’enfance, pour les études, le travail, la rémunération, et parfois même le modèle familial (être dans un couple stable, fonder une famille bien souvent), une certaine pression est mise sur le premier enfant. Une personne qui a été trop vue comme un aîné et non comme un être seul, indépendant, à part entière, peut vivre une crise en milieu de vie. "Ce sont ceux qui ont eu l’impression de répondre toute leur vie à ce que l’on attendait d’eux, le fils ou la fille qui avancent, qui ne fait pas de vague, qui bien souvent ne s’est pas permis de faire une crise d’adolescent", souligne Camille Rochet. Il s’agit d’un mouvement d’autonomie, d’une revendication : je ferai non plus ce qu’on me demande mais ce que j’ai envie de faire. A défaut d’entrer en crise pour établir un nouvel équilibre, d’autres s’enfoncent dans une surprotection. "Ce sont parfois des enfants qui ont parfois été un peu en manque affectif, dû à cette demande de responsabilisation. ’Garde tes frères et sœurs, préparent le repas, etc.’, toutes ces demandes font qu’il y avait pour eux moins de place aux câlins et moments de complicité", selon la psychologue. Cela peut ainsi donner des adultes très responsables, mais trop paternant ou maternant avec le conjoint, "puisque c’est ainsi qu’ils ont tiré de la reconnaissance et de l’amour en grandissant". Bien sûr, des conséquences positives s’installent également. L’aîné peut avoir plus de libertés sur le plan des relations amicales, sociales, des sorties. "Le syndrome du nid vide plane sur le petit dernier : les parents ne veulent pas se retrouver seuls, sans enfant dans le foyer : le plus grand est libre de partir quand il veut puisqu’il reste d’autres enfants à couver", explique Camille Rochet. Comment prévenir la charge mentale ? Eviter une charge mentale, ça se passe dès l’enfance, au niveau des parents. "Il faut éviter les phrases stigmatisantes comme ‘en tant qu’aîné tu pourrais…’, ‘Tu as passé l’âge…’, et sortir de cette comparaison avec les autres membres de la fratrie", préconise Camille Rochet. Il s’agit alors d’être plus dans la valorisation pour ne pas nourrir un sentiment d’injustice en disant des choses comme ‘tu as de la chance parce que tu as l’âge de faire cela et pas ton frère’, ou ‘Ce n’est pas parce que je te demande cela ou que tu fais ce choix que je t’aimerai moins’. Seulement cela, vous pouvez le mettre en place pour vos futurs enfants. Maintenant que vous êtes adulte, si vous vous retrouvez dans cette charge mentale, elle est installée. Il s’agit alors de la déconstruire. Parfois une thérapie familiale est de mise. Avant cela, rétablir de nouvelle règle de communication dans la famille est de mise. "On se parle d’adulte à adulte pour poser ses limites sans agressivité ou colère, explique Camille Rochet. On casse cette attente pour redevenir responsable de sa propre liberté". Au lieu de ruminer, dire "tu as 15 ans de moins que moi, mais tu peux aussi bien organiser cette réunion de famille, je suis célibataire à mon âge, mais c’est mon choix, etc.". Une grande part de la frustration s’évapore avec cette verbalisation.
0 Comments
Leave a Reply. |