États-Unis: pas de commission d’enquête sur l’assaut du Capitole du 6 janvier31 mai 2021
États-Unis: pas de commission d’enquête sur l’assaut du Capitole du 6 janvier Le Figaro.fr | Publié le 30 mai 2021 | 19:47 Par Adrien Jaulmes L’assaut contre le Capitole du 6 janvier 2021 a constitué, pour la majorité des Américains, un traumatisme comparable à celui suscité par deux autres journées dramatiques de l’histoire américaine récente: l’assassinat de John F. Kennedy à Dallas le 22 novembre 1963 et les attaques terroristes islamistes contre New York et Washington du 11 septembre 2001. Les deux premiers événements avaient suscité la création par le Congrès de commissions d’enquête, bipartisanes et dotées de pouvoir étendus, chargées de faire toute la lumière sur ces événements, afin d’empêcher qu’ils ne se reproduisent. Il n’y en aura pas pour le troisième. La création de cette commission, votée par la Chambre, a pourtant obtenu le soutien de 6 sénateurs républicains. Mais ce nombre restait insuffisant pour passer outre vendredi dernier à l’opposition du «filibuster». Cette pratique qui permet de surseoir indéfiniment à l’adoption d’un texte, ne peut être surmontée que si 60 sénateurs sur les 100 que compte la Chambre haute votent ensemble. Il a manqué 4 républicains, dans un Sénat divisé en deux moitiés égales. Les démocrates ont dénoncé, non sans arguments, les implications de ce vote. Il fait suite au refus des sénateurs républicains de condamner l’ancien président Donald Trump lors de son deuxième procès en destitution en février dernier, intenté pour avoir incité à l’insurrection la foule rassemblée par lui à Washington ce jour fatidique. Le refus d’enquêter sur cet événement vient renforcer le sentiment d’impunité du président sortant. Donald Trump a depuis repris ses accusations de fraude électorale massive au scrutin de novembre dernier, allant même jusqu’à se proclamer le président légitime, laissant entendre que Biden ne l’est pas. Les dégâts causés au système démocratique américain sont graves, et laisser se perpétuer ce discours représente un danger certain pour l’avenir. Le refus des sénateurs républicains de voir se former cette commission d’enquête obéit cependant à une claire logique politique, même si elle est peut-être à courte vue. Rompus aux règles du jeu à somme nulle qu’est devenue la politique américaine, ils ont refusé d’offrir à leurs adversaires démocrates une arme supplémentaire. Un pays divisé Donald Trump constitue pour eux un dilemme. Ils savent combien l’ancien président reste populaire parmi leurs électeurs et qu’ils doivent compter avec sa personnalité imprévisible. Ils savent aussi, en politiciens expérimentés, que cette même personnalité hors norme, et la controverse permanente que suscite presque naturellement l’ancien président, leur a coûté aux dernières élections la Maison-Blanche et le contrôle du Sénat. Leurs deux chefs de file au Congrès, Mitch McConnell et Kevin McCarthy espèrent que les prochaines élections partielles de 2022, les «midterms», leur permettront de reprendre la majorité à l’une des deux chambres, peut-être même aux deux. Quels que soient leurs sentiments envers l’ancien président, ils n’ont aucune intention de fournir à leurs adversaires une commission d’enquête qui gardera l’émeute du 6 janvier au centre de l’attention publique. Mitch McConnell reste, avec l’ancien vice-président Mike Pence, l’un des sauveurs de la journée du 6 janvier. En reprenant le soir même la session du Congrès interrompue par l’émeute, il a permis la confirmation de l’élection de Joe Biden. Il n’a pas adressé depuis la parole à Trump et ne nourrit aucune sympathie à son égard. Mais, en politicien expérimenté, il n’a non plus aucune envie de fournir aux démocrates le moyen de continuer à capitaliser sur la personnalité de l’ancien président. Dans le climat toujours volatile d’un pays divisé, ce refus des républicains, qui se manifeste clairement pour la première fois depuis le début de l’Administration Biden, est le signe de la profondeur du schisme qui continue de diviser la politique américaine. Même Biden a cessé de professer publiquement ces dernières semaines son intention de convaincre ses adversaires de voter certaines de ses réformes.
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