23 février 2016
Grossesses tardives : la mise en garde des médecins Le Parisien.fr | Publié le 23 février 2016 | 00h00 Par Florence Deguen et Marc Payet C'est peu dire que Margarita Louis-Dreyfus, la patronne de l'Olympique de Marseille, a surpris en annonçant être enceinte de jumelles... à 53 ans. L'accouchement est prévu pour avril. Et pourtant la surprise ne s'est pas teintée de l'habituel parfum de scandale propre aux grossesses « hors normes »... La société s'habitue, c'est un fait : avoir un enfant passé 45 ans, alors que l'horloge biologique rend presque impossible la probabilité d'une grossesse spontanée, arrive de plus en plus. Selon l'Insee, les chiffres sont en forte progression. 2 642 femmes de plus de 45 ans ont accouché en 2014, alors qu'elles n'étaient que 1 050 en 2000. Encore plus spectaculaire, 138 femmes ont accouché à plus de 50 ans dans les hôpitaux français en 2014, contre seulement 40 en 2000 ! Les médecins suivent et accompagnent, tout en étant de plus en plus nombreux à alerter sur la « dangereuse » banalisation du phénomène. « A cet âge, 99,9 % des femmes sont obligées d'avoir recours au don d'ovocytes », assure le professeur François Olivennes, gynécologue à Paris, qui est « totalement surpris par l'ampleur de cette évolution ». Des risques démultipliés Les conséquences pour la santé sont pourtant là. « Même avec un ovocyte jeune, l'utérus de ces femmes a vieilli, les tissus ne sont plus aussi bien vascularisés... Elles encourent beaucoup plus de risques d'avoir un problème grave pendant leur grossesse qu'une femme de 30-35 ans. » Des accidents de santé se produisent déjà et pourraient bien se multiplier à l'avenir, vu le succès des cliniques espagnoles ou grecques qui proposent de bénéficier de dons d'ovocytes jusqu'à 50 ans. « Il y a trois types de profil », constate le professeur Olivennes. « Des femmes qui n'ont pas trouvé l'âme sœur à temps, des nouvelles unions où l'un des deux n'a pas d'enfant ou bien ils en ont chacun de leur côté mais veulent absolument le leur... Et aussi, c'est incroyable mais fréquent, des couples ensemble depuis des lustres et qui arrivent benoîtement devant moi : on est prêts ! » Aujourd'hui une femme de 50 ans peut espérer vivre encore trente-six ans. Pour beaucoup, cela vaut bien de prendre le risque. Y compris du qu'en-dira-t-on. Dr Belaisch-Allart : « Ce n'est pas raisonnable » Vice-présidente du Collège national des gynécologues-obstétriciens, exerçant dans les Hauts-de-Seine, le docteur Belaisch-Allart alerte les femmes sur les risques de faire un bébé sur le tard. Il existe de plus en plus de grossesses très tardives. Pourquoi ? Dr BELAISCH-ALLART. Effectivement, tout a changé ! En 1950, une femme de 50 ans était une vieille femme, une grand-mère. En 2015, une femme de 50 ans peut, grâce aux techniques de dons d'ovocytes, être mère. C'est un changement profond. Mais on a tendance à oublier les risques que cela entraîne, pour la femme et pour le bébé. Justement, quels sont ces risques ? En décembre, nous avons réalisé à l'hôpital de Sèvres une synthèse des études les plus récentes sur le sujet, parues à l'étranger et en France. Elles vont toutes dans le même sens, celui d'une augmentation des risques pour la mère et pour l'enfant qui va de pair avec l'âge de la mère. Cela augmente le risque de mortalité de la mère, du fœtus, et accentue le risque d'hypertension artérielle. Et la probabilité d'avoir un grand prématuré est beaucoup plus importante. Mais les femmes de plus de 45 ans sont-elles au courant des risques ? Souvent, elles ne le sont pas assez. Les sociétés savantes de médecine ont fait des communications sur le sujet, mais cette réalité n'a pas encore vraiment convaincu l'opinion publique. Pourtant il y a urgence. Pour nous, gynécologues-obstétriciens, cela devient un vrai problème de santé publique. On est de plus en plus souvent confrontés à des complications pour les grossesses très tardives. Commencer une grossesse après 50 ans, cela ne nous paraît pas raisonnable. D'ailleurs, en France, l'Assurance maladie ne rembourse pas les frais liés à la PMA après 42 ans. Mais des pays comme l'Espagne ou la Grèce autorisent ces dons d'ovocytes jusqu'à 50 ans. Que dire aux femmes tentées par cette démarche ? Il ne s'agit pas de leur dicter leur conduite, bien sûr. Si elles veulent absolument tenter cette démarche, nous leur conseillons vivement de faire au préalable un bilan cardiologique et métabolique et de tenir compte des avis de prudence qui peuvent alors être édictés par les médecins. Il est recommandé aussi d'éviter, pour les grossesses très tardives, les grossesses multiples, qui sont plus à risque. Notre message essentiel est : ne banalisons pas de façon excessive les grossesses très tardives.
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