Manno Charlemagne11 décembre 2017
Manno Charlemagne Wikipedia.org Manno Charlemagne naît en 1948 à Carrefour, dans la périphérie sud de Port-au-Prince. Il ne connaît pas son père ; sa mère travaillant à Miami, il est élevé par sa tante. Toutes deux chantent des airs traditionnels, que l'enfant Manno reprend. Son style musical sera aussi influencé par les artistes haïtiens (Dodof Legros, Lumane Casimir, Issa el Saieh, Raoul Guillaume, Gérard Dupervil, Pierre Blain, Joe Trouillot, Guy Durosier, Toto Bissainthe, Ansy Dérose) et nord-américains (Louis Armstrong, Billie Holiday) qu'il écoute à la radio, par les chansons des ruraux venus à la ville et le rara qu'il entend dans la rue, ainsi que par sa participation à la chorale de son école, tenue par les Frères de l'instruction chrétienne. Comme de nombreux Haïtiens, il subit les exactions des tontons macoutes, miliciens au service du dictateur François Duvalier ; il connaît ainsi la prison et la torture en 1963, à l'âge de 15 ans. Côtoyant des gens de lettres et des artistes (tels que Lyonel Trouillot, Richard Brisson et Anthony Pascal, dit Konpè Filo), il se forge une culture politique en lisant des ouvrages de Maxime Gorki et d'Antonio Gramsci. À partir de 1968, il forme Les Remarquables, un mini-djaz ("mini-jazz", groupe de musique influencé par le rock), puis se tourne davantage vers la musique traditionnelle, avec une nouvelle formation, Les Trouvères. Ainsi, dans les années 1970, Manno Charlemagne prend part au mouvement Kilti Libète ("Culture Liberté") de retour à une musique populaire, acoustique, voire folk ; la tradition twoubadou ("troubadour") de la musique des campagnes haïtiennes est remise à l'honneur. En 1978, avec le musicien Marco Jeanty, il enregistre à Port-au-Prince un premier album, Manno et Marco, constitué de chansons angaje ("engagées"), dont la diffusion sur Radio Haïti-Inter connaît un grand succès. « La politique c'est pour les anges C'est pour les gens qui ont un nom Et c'est pour la grande société. » — Manno Charlemagne et Marco Jeanty, « Zanj », Manno et Marco, 1978. Exils Ouvertement opposé à la dictature de Jean-Claude Duvalier, Manno Charlemagne s'exile le 4 juillet 1980. Vivant entre New York, Montréal, l'Afrique et Paris6, il enregistre Konviksyon (1982) et Fini les colonies ! (1984), dont les chansons deviennent des hymnes contestataires en Haïti. « Quand tu rêves la nuit exilé de ton île Entends-tu tous ces cris ces rumeurs de ta ville ? » — Manno Charlemagne, « Le mal du pays », Fini les colonies !, 1984. De retour en Haïti le 7 mars 1986, un mois après la chute de Duvalier, il fonde la Koral Konbit Kalfou, groupe de mizik rasin ("musique racine", mêlant les influences du vaudou haïtien, de la musique traditionnelle et de genres contemporains) avec lequel il parcourt le pays. Il constitue une figure importante de la contestation politique sur l'île. En décembre 1987, alors qu'il sort de chez lui pour interpréter « Nwel anmè » ("Noël amer", une chanson composée par Beethova Obas, membre de la Koral Konbit Kalfou, pour honorer les manifestants massacrés un mois auparavant par la nouvelle junte au pouvoir), Manno Charlemagne essuie des coups de feu ; il est grièvement blessé. Il publie l'année suivante un nouvel album, Òganizasyon mondyal11. « Si Ayiti pa forè Ou jwenn tout bet ladan-l ? » « Si Haïti n'est pas une jungle Que font là toutes ces bêtes ? » — Manno Charlemagne, « Ayiti pa forè », Òganizasyon mondyal, 1988. Il soutient Jean-Bertrand Aristide lors de la campagne présidentielle de 1990 et, suite à sa victoire, devient l'un de ses conseillers. En octobre 1991, après un coup d'État contre le président Aristide, Manno Charlemagne est arrêté violemment à deux reprises puis relâché, grâce à la pression d'organisations de défense des droits de l'homme (Amnesty International, Miami's Haitian Refugee Center) et une campagne de presse aux États-Unis demandant sa libération. Craignant une nouvelle arrestation, il se réfugie à l'ambassade d'Argentine à Port-au-Prince. Le réalisateur Jonathan Demme, qui a connu Manno Charlemagne en 1988 lors du tournage de son documentaire Haiti: Dreams of Democracy, organise une campagne internationale, « Americans for Manno », afin d'exiger que le chanteur et sa famille puissent quitter Haïti en sécurité. C'est finalement l'ambassadeur argentin Orlando Sella en personne qui accompagne le chanteur jusqu'à l'aéroport de Port-au-Prince, le 29 décembre 1991 : Manno Charlemagne s'envole pour Miami. C'est le début d'un nouvel exil de trois ans, pendant lequel l'artiste diffuse sa musique engagée, à l'occasion de multiples concerts. Allers-retours Manno Charlemagne revient en Haïti en 1994. Il est élu maire de Port-au-Prince en juin 1995 ; il le restera jusqu'en 1999, exerçant son mandat de façon polémique. De son propre aveu, accepter de devenir maire a été une erreur. « Quand je suis artiste, je me sens mieux qu'être maire [...]. Artiste politique, je le tiens dans ma peau. » Il s'installe ensuite à Miami, dans un appartement au premier étage du Tap Tap, un restaurant haïtien au sud de la ville6 ; il assure des concerts réguliers dans ce restaurant et y enregistre en 2004 un album en direct, Manno at Tap Tap. En juillet 2005, Manno Charlemagne retrouve Marco Jeanty pour une série de concerts au Tap Tap. Ils décident alors d'enregistrer un nouvel album : en 2006, presque trente ans après leur premier disque, est publié Les inédits de Manno Charlemagne. « Se touse ponyèt nou pou n lite Car lamann pa tonbe ankò Solèy a klere pou nou tout E nou tout va jwenn menm chalè » « C'est l'heure de nous préparer à la lutte Car la manne n'est pas encore tombée Le soleil va briller pour nous tous Et nous tous recevrons la même chaleur » — Manno Charlemagne, « Ban m' on ti limye », Òganizasyon mondyal, 1988 et Les inédits de Manno Charlemagne, 2006. Le 14 janvier 2010, deux jours après le tremblement de terre en Haïti, le chanteur participe au Tap Tap à un concert de soutien aux victimes. En juin de la même année, il se produit à Brooklyn (New York), près de vingt ans après le concert donné au début de son second exil, en 1992. En novembre, il joue au Preservation Hall de la Nouvelle-Orléans avec la violoncelliste Helen Gillet. Manno Charlemagne se produit régulièrement aux États-Unis depuis 2010, aussi bien dans des festivals que dans des universités (par exemple, en juillet 2012 à l'université internationale de Floride et en septembre 2016 à l'université Duke de Caroline du Nord29,30). Il se produit également en Haïti. Fin juillet 2017, Manno Charlemagne subit l'ablation d'une tumeur cérébrale à l'hôpital Mount Sinai de Miami. Il décède dans ce même hôpital le 10 décembre suivant, des suites d'un cancer du poumon. Discographie1978 : Manno et Marco (Marc Records) 1982 : Konviksyon (Alternative Culturelle) 1984 : Fini les colonies ! 1988 : Òganizasyon Mondyal (K.A.K.O.) 1994 : La Fimen (K.A.K.O.) 2004 : Manno at Tap Tap (Crowing Rooster Arts) 2006 : Les inédits de Manno Charlemagne (Crowing Rooster Arts/FOKAL) Filmographie
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