14 octobre 2013 Plaidoyer en faveur d’une dynamisation de la Diplomatie Haïtienne en Afrique par Jacques A. Nicolas Le Nouvelliste No. 38990 - lundi et mardi 20 et 21 mai 2013 On ne peut pas dire que les relations d’Haïti avec l’Afrique remontent à une époque donnée puisque Haïti fait partie de la diaspora Africaine. Naturellement avec l’apogée de l’esclavagisme aux XVIème et XVIIème siècles, le départ de cette diaspora s’est opéré dans des conditions infra humaines. Les relations d’Haïti avec son "Alma Mater" doivent être considérées dans le cadre d’une rupture forcée et d’un retour inexorable aux sources. Elles se présentent sur une triple dimension : historique, cultuelle et culturelle. Elles doivent s’orienter vers un resserrement des liens politiques qui débouchera sur une intégration dans le continent africain et une plus grande coopération économique à long terme. La République d’Haïti n’a jamais cessé de revendiquer son africanité depuis l’indépendance jusqu’à nos jours et c’est ce sentiment d’appartenance que nous devons continuer à cultiver, car, l’appui de nos frères Africains qui connaissent notre histoire et qui ont pour nous un sentiment d’admiration profonde, peut renforcer notre position sur l’échiquier international et nous permettre d’occuper la place que nous revient de droit au sein de la Communauté Internationale. Dans le passé, les dirigeants Haïtiens l’avaient compris et avaient accepté de dégarnir leur élite intellectuelle pour préparer nos frères qui venaient d’accéder à leur indépendance. C’est pourquoi d’éminents intellectuels Haïtiens, fuyant, il est vrai, la dictature, s’étaient rendus dans les pays d’Afrique francophone pour travailler et aider leurs frères de sang. Beaucoup d’entre eux n’eurent pas de mal à en faire leur terre d’adoption. Les gouvernements d’alors choisirent également d’éminents historiens, des hommes de lettres, des intellectuels de grand calibre pour les représenter. Nous pouvons citer à titre d’exemple Me Jean CORADIN, premier Ambassadeur d’Haïti en Afrique avant même la décolonisation en 1953, il fut accrédité d’abord au Libéria en qualité d’Envoyé Extraordinaire et Plénipotentiaire et l’année suivante comme Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire. Il continua sa carrière sur la terre de ses ancêtres comme Ambassadeur au Dahomey (aujourd’hui le Bénin), en Côte d’Ivoire et il retourna au même titre à Monrovia en 1974. On peut citer rapidement : Délinois Martin CELESTIN (Sénégal 1965), Pierre RIGAUD (Libéria 1956), Emile Saint LOT (Ethiopie 1958), Arsène POMPEE (Libéria 1971), Ernst REMY (Libéria 1966, Mali 1969), Pierre MAYARD (Sénégal 1981), Musset PIERRE JEROME (Niger 1983), Raymond MATHIEU (Sénégal 1983), Hermogène DURAN (Bénin 2003) et Jean ESPECA (Chargé d’Affaire, au Bénin 2004 à nos jours). Malheureusement aujourd’hui, la République d’Haïti a perdu au fur et à mesure son élan d’africanité et n’est représenté dans tout le continent africain que par une seule et unique Mission Diplomatique au Bénin dirigée par un Ministre Conseiller Chargé d’Affaires ai. Quelles sont les causes de ce déclin dans nos relations avec l’Afrique ? Elles sont nombreuses. Il faut citer tout d’abord l’attitude et le comportement de nos concitoyens émigrés en Afrique au lendemain de l’Indépendance de plusieurs de ses pays. Leur occidentalité ne leur a pas permis de s’intégrer facilement et rapidement aux sociétés africaines marquées par un traditionalisme fort et des coutumes ancestrales qui devaient être à tout prix respectées. Le gouvernement d’alors, tout en se réclamant de la diaspora africaine affichait des comportements et des politiques trop occidentalisées et capitalistes. Le problème de la distance entre la République d’Haïti et ses sœurs d’Afrique empêchait tout resserrement des relations économiques et culturelles et n’était pas propice à ce jumelage. Les télécommunications n’étaient pas encore développées telles que nous les connaissons aujourd’hui. Les difficultés économiques provoquées par les différentes crises économiques et commerciales mondiales obligeaient à réduire chaque fois les dépenses de l’Etat et se répercutaient sur le déploiement des missions diplomatiques et des postes consulaires. L’instabilité politique, tant en Haïti que dans les nouvelles capitales africaines ne prédisposait pas au développement et au maintien de relations diplomatiques étroites et amicales. Il fallait maintenir les conditions d’instabilité dans le Tiers monde pour permettre aux grandes puissances de continuer à les exploiter et à les empêcher de se développer. Malgré l’éternelle revendication de son africanité, ses liens historiques, cultuels et culturels, la République d’Haïti n’est jamais parvenue à occuper sur la scène africaine la place de leader et de pionnier qui devrait lui revenir de droit en sa qualité de fille aînée de la diaspora africaine. Il convient de noter que, durant la seconde moitié du siècle dernier, les pays d’Afrique ont emboîté le pas vers le développement avec une rapidité étonnante, leurs capitales se sont occidentalisées, leurs élites se sont épaissies, le nationalisme a incendié tous les foyers et, malgré le taux élevé de naissance, de mortalité infantile, de morbidité, les pays du continent d’une façon générale ont accompli d’énormes progrès. Du point de vue politique, la démocratie et les droits de l’homme gagnent chaque jour du terrain, la condition des femmes s’améliore, les richesses du sol et du sous sol commencent à être utilisées au profit des populations, et l’esprit de solidarité renait avec la naissance du Panafricanisme qui, contrairement à ce que l’on pense, remonte non pas à Kwame NKRUMAH avec son célèbre cri « Africa must unite » (25 mai 1963), mais bien à l’union des esclaves à Bwa Kayiman dans la nuit du 14 au 15 août 1791. Avec la création de l’Organisation de l’Unité Africaine des progrès plus importants ont été réalisés et l’Union Africaine tend à devenir une référence incontestable pour la solution les problèmes du continent. Haïti a compris ce mouvement et est devenu membre à part entière de l’UA en y dépêchant un Envoyé Spécial l’année dernière. Cette décision mérite d’être applaudie et soutenue, pour permettre à notre pays de retrouver ses amis naturels, ses frères de sang qui l’aideront à retrouver sa dignité et son prestige d’antan. Le rôle d’Haïti dans ce contexte est d’entretenir des relations les plus harmonieuses que possible avec les pays de l’AEC et de la CARICOM en les sensibilisant sur l’urgente nécessité de retrouver leur place dans l’Alma Mater et de s’unir pour faire de l’Afrique le continent de l’avenir car, les possibilités d’une telle éventualité existent et doivent être exploitées à fond. En ce sens, la politique africaine d’Haïti devrait s’orienter vers les démarches suivantes : 1- Elaboration d’une politique africaine basée sur la restructuration et la dynamisation de l’unique Mission Diplomatique opérant actuellement dans ce continent. 2- Responsabiliser davantage l’Ambassade d’Haïti en la faisant couvrir un certain nombre de pays de l’Afrique francophone grâce à un personnel plus technique et plus étoffé, à un programme d’ouverture culturelle vers ces pays. Ce programme comprendrait d’abord des cycles de conférence dans ces pays, des expositions itinérantes, des programmes d’échanges culturels, des bourses d’études etc… Il faudrait naturellement un personnel bien entrainé, conscient de sa mission et surtout très dynamique. Cela aura certainement un coût dont les bénéfices ne pourront être évalués qu’à long terme. L’ouverture d’une Représentation Permanente à Addis Abeba auprès de l’UA viendrait constituer le carrefour central des relations d’Haïti avec l’Afrique anglophone et l’Ambassadeur serait accrédité également auprès du gouvernement Ethiopien. Il couvrirait des états importants du point de vue économique comme le Nigéria. Dès que les moyens économiques le permettront, une troisième ambassade pourrait être ouverte à Johamesbourg (Afrique du Sud) pour seconder celle d’Addis Abbeba dans ses rapports avec les pays anglophones. Le développement vertigineux de l’Afrique du Sud et son potentiel économique et technologique commande une telle décision. La présence d’investisseurs sud-africains dans les grandes entreprises mondiales permet d’espérer qu’Haïti bénéficierait un jour de leurs capitaux. Le personnel de ces dernières Missions serait des techniciens et des experts, surtout en Economie et Finances publiques, de gens dynamiques, patriotes et ouverts. Il devra exister une relation symbiotique entre la Mission Permanente à l’UA et celle qui est accréditée auprès de l’ONU à New York, plaque tournante de la politique internationale, et le carrefour de la diplomatie multinationale ou tous les pays sont représentés. La Mission d’Haïti auprès de l’ONU contribuerait grandement au succès de la politique africaine d’Haïti, vu que le Chef de cette Mission côtoie ses homologues africains accréditées à l’ONU.
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