11 octobre 2013 Barack Obama commence à faire plier les républicains sur la crise budgétaire LE MONDE | 11.10.2013 à 11h59 • Mis à jour le 11.10.2013 à 12h01 | Par Philippe Bernard Ce n'est pas encore une victoire pour Barack Obama, mais un signe que sa détermination, cette fois, a fait bouger les lignes républicaines. A une semaine de l'échéance fatidique du 17 octobre, où le Trésor américain risque de ne plus pouvoir faire face à ses engagements faute d'autorisation parlementaire d'emprunter, les quatre-vingt-dix minutes d'entretien qu'ont eu vingt représentants républicains avec le président, jeudi 10 octobre à la Maison Blanche, paraissent avoir amorcé une sortie de crise. Barack Obama "est heureux que des têtes plus froides semblent prévaloir enfin" à la Chambre des représentants, s'est réjoui son porte-parole, Jay Carney. Aucun accord formel n'a été conclu, mais la proposition républicaine de s'engager à voter un relèvement du plafond de la dette pour six semaines (jusqu'au 22 novembre, peu avant les congés de Thanksgiving) pourrait ouvrir une période de négociations, après dix jours de blocage total marqué par la fermeture ("shutdown") du gouvernement. "Une conversation utile et productive", ont souligné les élus républicains à la sortie. "Une bonne réunion", même si "aucune décision particulière n'a été prise", a tempéré la Maison Blanche. D'intenses discussions se sont poursuivies entre républicains dans la soirée de jeudi. Un vote sur le report de l'échéance de la dette pourrait intervenir vendredi à la Chambre. Fait nouveau, ce répit, qui devrait permettre d'éviter le défaut de paiement, serait accordé sans les conditions précises posées jusqu'à présent par les républicains en matière de réduction des dépenses sociales. La contrepartie consisterait en l'engagement de négociations en vue d'un accord sur la réduction du déficit à long terme et une réforme fiscale. Jusqu'à présent, les républicains avaient refusé pareille démarche qui suppose un compromis associant des coupes budgétaires – qu'ils réclament – à la suppression de niches fiscales pour les hauts revenus, que leurs électeurs risquent de leur faire payer aux élections de mi-mandat, à la fin 2014. "La bonne nouvelle est que les républicains ont accepté de ne pas poser de conditions au plafond de la dette. La mauvaise est qu'ils l'ont seulement relevé pour six semaines", a résumé Chris Van Hollen, le doyen démocrate de la commission du budget de la Chambre. L'échéance fatale se trouve en effet seulement reportée. PAUL RYAN, ARTISAN DU REPLI TACTIQUE RÉPUBLICAIN Plus question pour les républicains d'exiger le report, voire l'abrogation de l'"Obamacare", la loi généralisant l'assurance-maladie dont la disposition centrale – la souscription de polices d'assurance subventionnées par l'Etat fédéral – est entrée en vigueur le 1er octobre. Sur ce point, les élus conservateurs ont été à Canossa puisque, initialement, leur refus de voter le budget 2014 visait expressément à tuer dans l'oeuf cette réforme phare du premier mandat de M. Obama. Mais aucun engagement précis n'a été pris sur ce qui perturbe le plus la vie quotidienne des Américains actuellement : la paralysie de l'administration fédérale. Visiblement, les républicains n'ont pas renoncé à utiliser cette situation pour faire pression. Si les négociations sur le budget aboutissent, le shutdown pourrait être levé au début de la semaine prochaine. Ces premiers pas vers un compromis potentiel tranchent avec l'intransigeance absolue manifestée jusqu'à présent par John Boehner, le président ("speaker") de la Chambre. L'artisan de ce repli tactique s'appelle Paul Ryan. A 43 ans, ce représentant républicain du Wisconsin, président de la commission du budget de la Chambre, a trouvé dans le traitement de la crise budgétaire l'occasion de faire oublier son échec de 2012, lorsqu'il s'était présenté comme candidat à la vice-présidence, sur le ticket du républicain Mitt Romney. A l'époque, il était la coqueluche des extrémistes du parti pour avoir prôné une cure d'amaigrissement drastique au budget fédéral. Ses promesses incluaient alors le remplacement du "Medicare", le coûteux système public de sécurité sociale des plus de 65 ans, par un système de bons permettant l'achat de polices d'assurance privées. Recentré, M. Ryan n'a pas renoncé à exiger des coupes sur le Medicare, cette fois en échange d'un relèvement du plafond de la dette. Le tournant de jeudi marque aussi la défaite de la stratégie du pire, censée contraindre Barack Obama à reculer sur sa réforme de la santé au prix d'une paralysie de l'Etat. Ce plan de guerre, largement financé par les frères Charles et David Koch, milliardaires pro-Tea Party du Kansas, a échoué. Il s'est heurté non seulement à l'opinion – 53 % des Américains rendent les républicains responsables de la panne de l'Etat –, mais aussi aux pressions des milieux économiques, inquiets du désastre annoncé par cette impasse prolongée.
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