Président Trump, an III : Nancy Pelosi, le cauchemar du mâle alpha27 janvier 2019
Président Trump, an III : Nancy Pelosi, le cauchemar du mâle alpha Le Monde.fr | Publié le 27 janvier 2019 | 6:34 Par Gilles Paris (correspondant à Washington) En janvier 2007, George W. Bush avait commencé son discours sur l’état de l’Union par un hommage appuyé à la femme qui occupait pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis le fauteuil de speaker de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Lorsque son tour reviendra dans les prochains jours, il est possible que Donald Trump se montre plus laconique à l’endroit de celle qui a retrouvé ce même fauteuil à l’issue des élections de mi-mandat, en novembre. Il lui doit en effet la plus cuisante de ses défaites depuis son arrivée à la Maison Blanche. Tout au long des cinq semaines du plus long blocage partiel du gouvernement fédéral, Nancy Pelosi a procédé avec méthode face à un président qui marchait à l’instinct. « On commence toujours par la plume avant d’arriver au marteau », a-t-elle commenté après-coup. Chirurgicale quand il restait brouillon. Impavide lorsqu’il éructait sur son compte Twitter pour obtenir le financement du « mur » qu’il veut construire à la frontière avec le Mexique et que la démocrate lui refusait. Donald Trump a commencé à s’épuiser à force d’agitation et de sondages défavorables, et la speaker a porté son attaque, suggérant le report de ce discours traditionnel que le président attend pour pouvoir parader en prime time. De mauvaise grâce, il a plié une première fois en acceptant sa décision, puis une seconde en mettant fin à un « shutdown » qui menaçait d’ouvrir un front au sein du Parti républicain. Sans avoir rien obtenu. Rares ont été ceux qui ont défendu par la suite une tactique jugée stupide. Le président n’apprécie guère les femmes de pouvoir Comme en témoignent ses relations glaciales avec la chancelière allemande, Angela Merkel, le président n’apprécie guère les femmes de pouvoir. Pendant les primaires républicaines, ses seuls arguments contre l’unique candidate, Carly Fiorina, ancienne patronne de Hewlett-Packard, avaient porté sur son physique. Il s’est imposé en mâle dominant au sein de la meute conservatrice, mais il a désormais face à lui la plus puissante figure politique de Washington. Prudent, il ne l’a pas affligée pour une fois d’un sobriquet désobligeant comme la plupart de ses adversaires. Le président se moquait pourtant encore d’elle en août 2018 lorsqu’il jugeait qu’elle avait « tout à fait le droit de détruire le Parti démocrate » en le tirant selon lui à l’extrême gauche. Trois mois plus tard, il perdait la majorité à la Chambre des représentants en dépit d’une économie florissante. Avant de faire plier Donald Trump sur le « shutdown », Nancy Pelosi a affronté une rébellion de démocrates de la Chambre qui la jugeaient bonne pour la retraite. En un rien de temps, elle a cajolé, divisé, et finalement brisé la fronde. Pugnacité Ceux qui doutaient de sa pugnacité avaient manifestement oublié sa démonstration de force, à la veille de ses 78 ans, lorsqu’elle avait conduit en février 2018 le plus long filibuster de la Chambre. Elle avait parlé pendant plus de huit heures des sans-papiers arrivés enfants aux Etats-Unis et privés de statut juridique par Donald Trump, perchée sur des talons de dix centimètres. Grande bourgeoise vomie par les conservateurs, Nancy Pelosi peut bien sûr être emportée demain par l’ivresse de ses victoires. Par exemple si elle maintient ses accusations d’immoralité concernant le « mur » alors que les démocrates ont voté par le passé, sans barguigner, en faveur de barrières sur cette même frontière, notamment en Californie, sa terre d’élection. Mais lorsqu’il prononcera prochainement son discours sur l’état de l’Union, Donald Trump ne pourra faire abstraction du regard qui sera planté dans son dos. Calée dans son fauteuil, en surplomb du pupitre derrière lequel il aura pris place, Nancy Pelosi pourra contempler, une bonne heure durant, l’un de ses trophées.
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